CommentaireAu Palais fédéral, le coup d’État des Verts
Sous la houlette de la présidente écologiste du Conseil national, Irène Kälin, la journée organisée ce lundi à Berne sur la crise climatique et de la biodiversité a des airs de prise de pouvoir écologiste. Pour un jour.


Le Palais fédéral entouré de verdure
Béatrice Devènes/Services du ParlementEn décembre dernier, le gréviste de la faim fribourgeois Guillermo Fernandez avait cessé son action à la suite d’une promesse faite par la présidente du Conseil national, Irène Kälin (V/AG). Le Parlement allait organiser une journée consacrée au climat avec les scientifiques suisses qui ont collaboré aux rapports du GIEC sur la crise climatique. Elle a lieu ce lundi. De mémoire de parlementaire, on n’a jamais vu un citoyen obtenir un tel résultat en restant assis devant le Palais fédéral durant plus d’un mois sans manger.
Un principe d’action
Cette situation a agacé passablement d’élus, qui ne viendront pas à ce rendez-vous. Ils pourront toujours lire la brochure. Avec son homologue du Conseil des États, Thomas Hefti (PLR/GL), la présidente en a fait éditer une pour l’occasion avec ce titre: «Inverser la tendance: climat et biodiversité. Rencontre entre le Parlement et les scientifiques». Dans son introduction, l’écologiste argovienne affirme: «Placer l’«écologie» au cœur de nos réflexions et de nos actes ne doit plus être une idéologie, mais devenir un principe d’action».

Irène Kälin (V/AG) présente ce lundi le bulletin qui résume les enjeux du climat et de la biodiversité au Parlement.
DRLes actions proposées sont l’abandon des combustibles fossiles, l’augmentation des réserves naturelles, la renaturation à grande échelle, la réduction de la consommation des ressources et des déchets, la réduction des émissions d’azote, la diminution des cheptels et des importations fourragères ou la modération dans la consommation des produits d’origine animale. Conclusion: «Arrêter le réchauffement implique une transition technologique et sociétale fondamentale». C’est tout le programme des Vert.e.s.
Des discours qu’ils n’ont pas envie d’entendre
Selon la présidente, donc, si tout le monde devenait écologiste sans faire d’idéologie, cela simplifierait bien des choses. La réalité est que dans les partis bourgeois majoritaires au Parlement, l’écologie demeure perçue comme une idéologie, une forme d’utopie, qu’il faut combattre. Ce lundi, beaucoup de parlementaires ne viendront pas écouter des discours qu’ils n’ont pas envie d’entendre. Jusqu’à nouvel avis, c’est le Parlement qui a la maîtrise des horloges dans ce pays et pas les Universités de Zurich ou de Lausanne. Cependant, sur le fond, les absents ont tort de bouder les scientifiques invités, qui viennent des meilleures hautes écoles du pays.

Les groupes politiques de la gauche et du Centre sont bien représentés à cette journée pour le climat. Par contre à droite, l’UDC a clairement boycotté l’événement. Et le PLR en bonne partie.
Lenteur législative
L’urgence climatique se heurte évidemment à la lenteur du processus législatif en Suisse. Le difficile accouchement de la dernière mouture de la loi sur le CO₂ et son échec devant le peuple l’attestent. Quatre années de perdues. Actuellement, plusieurs chantiers sont en cours: le contre-projet indirect à l’initiative pour les glaciers, la nouvelle loi sur le CO2, la loi sur l’approvisionnement en électricité et la loi sur la biodiversité. Chacune de ces lois permettrait de faire des avancées plus ou moins grandes dans la direction indiquée par les scientifiques du GIEC.
Mais il ne faut s’attendre à des révolutions, car la menace du référendum plane. Les partis bourgeois savent que leur base dans les campagnes reste très attachée à un mode de vie consacré par les énergies fossiles. Pour accélérer le mouvement, la cause du climat aurait besoin d’une majorité à Berne. Est-ce que les élections de 2023 l’apporteront? Rien ne semble l’indiquer pour l’instant. Sauf peut-être à Glaris, qui a voté ce dimanche pour introduire un article sur la protection du climat dans sa Constitution.

Les conseillers nationaux UDC vaudois Jean-Pierre Grin et Michaël Buffat sont bien seuls dans le secteur réservé à leur groupe lors de cette journée d’information du 2 mai.
Twitter/Étienne Kocher