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CrimesA Genève, on peut trouver un tueur à gages pour 5000 fr.

Au cours de ces dernières années, plusieurs cas de meurtres commandités ont été recensés dans la cité de Calvin. Les tarifs sont variables mais débutent à 5000?francs.

Valérie Duby
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Valérie Duby
Dans la réalité, les tueurs à gages font preuve de beaucoup d'amateurisme.

Dans la réalité, les tueurs à gages font preuve de beaucoup d'amateurisme.

Corbis/Mark Hamilton

Le mari accusé d'avoir commandité le meurtre de sa femme à Chêne-Bougeries (GE) a mis en lumière l'existence d'une nouvelle forme de tueurs à gages. Dans cette affaire, les trois Kosovars (et le mari bien sûr) poursuivis pour tentative d'assassinat n'ont rien à voir avec le cliché habituel du tueur discret avec son fusil à lunette qui exécute un contrat. «La réalité est assez loin de ce que l'on voit dans les films», commente le Dr?Gérard Niveau, psychiatre agrégé au Centre universitaire romand de médecine légale. «Apparemment, tout le monde tue et tue pour rien», lance le célèbre Marc Bonnant, qui défend la femme agressée à Chêne-Bougeries.

Au cours de ces dernières années, plusieurs cas ont défrayé la chronique dans la région genevoise. En octobre 2007, un bijoutier arménien est victime d'un coup de feu en pleine rue dans le quartier de Florissant; deux truands arméniens sont recherchés. Un an plus tard, un homme de 40?ans est abattu de deux balles dans la tête pendant son sommeil à Cointrin. La même année, c'est un restaurateur qui est soupçonné d'avoir commandité la mort de sa femme. Il y a cinq mois, un épicier du quartier des Pâquis est accusé d'avoir voulu se débarrasser d'un gendarme un peu trop pointilleux à son goût…

500?euros la «dérouillée»

«A Lyon ou à Marseille, pour parler de près de chez nous, ce genre d'individus prêts à en découdre n'est pas difficile à trouver», assure un détective genevois. Un avocat assure qu'à cinq minutes de la frontière, on trouve pour 500?euros «quelqu'un qui fout une bonne dérouillée et plus si entente». «Il y a quelques années, on disait à Genève dans le milieu kosovar que pour 5000?euros, on faisait le boulot», indique un policier. Les raisons de faire appel à un tueur sont assez simples: c'est souvent le cul ou les écus!»

Dans la réalité, les tarifs sont assez fluctuants. Les Kosovars impliqués dans l'affaire de Chêne-Bougeries devaient toucher la somme de 400'000?francs. On peut toutefois trouver pour moins cher. Le tueur fribourgeois engagé pour le meurtre de Cointrin – qui n'a jamais passé aux aveux – aurait empoché 50'000?francs, versés par l'épouse et la belle-mère de la victime. Le restaurateur, lui, aurait déboursé 20'000?francs pour faire tuer son rival. Enfin, l'épicier pâquisard n'aurait promis que 5000?francs à un mineur d'origine maghrébine pour se débarrasser du policier.

Où les chiffres se rejoignent, c'est au niveau de la sévérité de la peine. Le meurtrier de Cointrin a écopé de 16?ans de prison, tout comme la femme de la victime qui a commandité l'acte. «Chaque dossier est différent et les comparaisons difficiles, relève l'avocat pénaliste Me Robert Assaël. Cela étant, la peine du tueur à gages qui agit froidement pour de l'argent devrait être supérieure à celle infligée au commanditaire qui, dans certains cas, a été poussé à bout par la victime, harcelée ou violentée par celle-ci.» «Ce qui motive les tueurs dans tous les cas, c'est l'argent, constate le Dr?Niveau. Après, certains individus ont un taux de moralité plus ou moins élevé, mais le tableau demeure assez hétérogène!»

Spécialiste en psychologie légale, le Dr Philip D. Jaffé constate pour sa part qu'il s'agit souvent de gens vivant dans la petite criminalité et qui pensent monter dans la hiérarchie en commettant un crime. «Cette main-d'œuvre assassine vient principalement d'ailleurs», affirme Me Marc Bonnant qui dit ne pas connaître beaucoup de protestants genevois impliqués dans ce type d'affaires… «Ces individus viennent de pays où leur sens moral a été érodé. Façonnés dans la brutalité et le mépris de la vie, ils importent chez nous cette insensibilité.»

«Des amateurs»

«On constate que ces individus viennent souvent de pays où ils ont connu la guerre, la violence. Mais ils peuvent aussi provenir de milieux paysans où tuer un poulet équivaut à tuer tout court, relève le Dr?Jaffé. Des gens avec moins d'aspérité émotionnelle, cela existe aussi chez nous! Pour eux, la vie ne vaut pas grand-chose et il paraît moins anormal de passer à l'acte.» Pour les deux experts, on est souvent «déçus» de voir qui sont les tueurs à gages «de chez nous». «Si la littérature ou le cinéma font souvent croire à une éthique, la réalité est plus sordide», souligne le Dr Niveau. «On imagine un scénario bien ficelé, ajoute le Dr Jaffé. Dans la réalité, on a souvent affaire à de l'amateurisme.»

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