FootballAnalyse: à Young Boys, l’installation est la clé
Sacré champion de Suisse pour la quatrième fois consécutive, YB peut se reposer sur une stratégie bien établie pour briller en Super League: celle du contrôle et de l’étouffement.

- par
- Valentin Schnorhk

Young Boys fête un 4e titre acquis grâce à sa capacité à «vivre» chez l’adversaire.
Young Boys est le club le mieux géré du pays. Il se porte bien financièrement et peut se permettre d’avoir un effectif fourni en qualité et en quantité, avec des joueurs presque interchangeables. Dans une saison où les matches n’ont fait que s’enchaîner, il est évident que cela a largement contribué au 4e titre consécutif des Bernois. Mais pas à l’expliquer entièrement.
Car sur le terrain, la troupe de Gerardo Seoane avait des principes qui ont permis à l’entraîneur de 42 ans de maintenir toujours la même ligne. Si les noms changeaient, le 4-4-2 signature du club de la capitale est resté inflexible en Super League. Au même titre que les idées qui l’ont animé et lui ont permis de survoler cette saison. Une d’entre elles est particulièrement centrale et représentative de la manière dont YB domine ce championnat: la capacité à s’installer chez l’adversaire. Coup de projecteur.
S’installer pour contrôler
Les quatre titres de Young Boys n’ont pas tous le même aspect. La formation très verticale d’Adi Hütter de 2018 a gagné en horizontalité et en contrôle au fur et à mesure des années. La patte de Seoane, sans doute. Mais aussi le regard des adversaires qui a pu changer. Plus les temps ont avancé, plus YB a inspiré de la crainte: on ne joue plus de la même manière contre les Bernois. Le signe le plus évocateur est la possession moyenne tout au long de la saison: de 53% en 2018, elle est passée à 55% en 2019 et a dépassé les 57% depuis la saison dernière. De plus en plus confronté à des blocs bas et attentistes, Young Boys doit l’accepter et en faire une force: la mainmise sur le match doit être totale. Surtout afin de ne pas prendre le risque de se faire prendre à la moindre transition rapide de l’adversaire. Pour cela, YB a des ingrédients.

Nsame a un duel aérien à jouer. Elia anticipe la profondeur, mais surtout trois joueurs sont proches de Nsame à la tombée et prêts à remporter le 2e ballon. Cela débouchera sur une situation de but pour YB.
Pour être sereine, l’équipe de la capitale doit «vivre» dans la moitié de terrain opposée en rendant le plus inconfortable possible la situation pour son vis-à-vis. Si l’adversaire ne presse pas, elle se permet de ressortir de l’arrière, mais n’en fait pas une obsession. Un dégagement de David von Ballmoos peut suffire. L’objectif est ensuite de remporter les deuxièmes ballons, soit ceux qui «traînent» après le renvoi de la défense adverse. Cela grâce à une certaine densité à la tombée. C’est un des moyens souvent utilisés par YB pour ensuite poser et développer son jeu chez l’adversaire.

Aebsischer se place entre Lustenberger (central gauche) et Camara (central droit), alors que Lauper bouge derrière la ligne de pression et offre des solutions de passes.
Dans le camp adverse, les Bernois s’appuient sur plusieurs éléments pour avancer. La complémentarité de la paire d’attaquants (généralement un joueur «pivot», comme Nsame ou Siebatcheu, et un autre plus vif et rapide pour prendre les espaces, soit Elia ou Mambimbi) en est un. Mais il est souvent compliqué de les toucher du premier coup, surtout si l’adversaire ferme l’axe. Young Boys cherche donc à créer une supériorité numérique dès la construction avec un «3+1». Autrement dit, les deux défenseurs centraux accompagnés d’un des milieux axiaux sur une première ligne de trois, alors que l’autre milieu se situe plus haut derrière la première ligne. Cela permet souvent d’éliminer les premiers adversaires.
Le «3+1», pour attaquer ou pour défendre.
Ce «3+1» présente un autre avantage, illustré par la séquence ci-dessus: celui de prévenir les éventuelles transitions rapides que pourrait subir YB à la perte de balle. Les Bernois se reposent sur une base qui permet de couvrir plus facilement la largeur et d’exposer un peu moins leurs défenseurs centraux. Car ces derniers, qu’il s’agisse de Camara, Lustenberger ou Zesiger, se retrouvent souvent avec une moitié de terrain entière à couvrir, tant ils sont positionnés haut dans le terrain.
S’installer pour étouffer
Pour s’installer longtemps chez l’adversaire, Young Boys doit donc s’assurer que ce dernier ne pourra pas repartir comme il l’entend lorsqu’il aura récupéré le ballon. Autrement dit, YB doit limiter les temps où il ne possède pas le ballon. À l’instar d’un Saint-Gall qui base presque l’essentiel de son jeu sur cet aspect, le pressing à la perte revêt d’une importance considérable dans l’approche bernoise. Il s’agit là d’un autre élément-clé pour rester le plus longtemps possible chez l’adversaire. À chaque fois qu’il perd la balle, YB tente de la récupérer rapidement, ce qui, à la longue, étouffe une opposition qui n’arrive plus à ressortir de sa zone défensive.
Le pressing à la perte est un atout non-négligeable pour YB.
Si elle n’est pas aussi radicale que celle de Zeidler (qui prend beaucoup plus de risques avec le ballon), l’équipe de Seoane mise beaucoup sur l’intensité pour faire craquer son adversaire. Le pressing constitue par un exemple un principe sur lequel YB s’appuie lorsqu’il veut récupérer rapidement le ballon. Le graphique ci-dessous montre qu’excepté les Brodeurs, personne ne cherche plus que le champion de Suisse à limiter les actions de son adversaire.
S’installer pour terminer
Mais l’installation n’est rien si elle ne permet pas de remporter des matches. Alors, avec ballon, Young Boys la renforce par des circuits qui, sans être prédéfinis, fonctionnent. Par exemple, l’utilisation des côtés permet de faire bouger l’adversaire d’un côté à l’autre et donc de le faire reculer. Les centres sont d’ailleurs un atout important de l’équipe de Seoane, qui est celle qui recourt le plus à cet outil dans le championnat (23,11 par période de 90 minutes). La présence physique des attaquants est ainsi un élément primordial dans l’approche que s’est choisie YB.
Bien installé, YB cherche aussi bien à passer par l’intérieur que par l’extérieur. Les centres sont d’ailleurs l’une des principales ressources bernoises.
À terme, cette installation débouche sur des situations de buts, que ce soit par l’intérieur (où un joueur comme Fassnacht se déplace beaucoup) ou par les ailes, avec des combinaisons possibles, notamment lorsque Nicolas Moumi Ngamaleu est utilisé côté gauche. Le goût du Camerounais pour le un contre un constitue une source de déséquilibre. Et, au final, les attaquants Jordan Siebatcheu, Jean-Pierre Nsame et Meshack Elia sont, dans cet ordre-là, les joueurs qui touchent le plus le ballon dans la surface adverse en Super League. Logiquement, cela amène des occasions, qui peuvent se terminer en but.
Les déplacements de Fassnacht vers l’intérieur du jeu constituent une menace importante pour les adversaires.
Cela ne fait pas tout. Mais si Young Boys est champion de Suisse pour la quatrième saison d’affilée, c’est aussi parce que sa stratégie de jeu est désormais parfaitement affinée pour la Super League. La dimension physique de son jeu combinée à ses principes bien établis est injouable pour la plupart de ses adversaires. Au soir de la 28e journée, YB n’a perdu qu’une seule fois, contre Servette en décembre. Mais cette approche semble avoir une limite: elle ne porte pas ses fruits en Coupe d’Europe…