MobilitéAdieu ma petite gare!
La halte bucolique du Seignat (NE) n'est plus desservie depuis dix jours par les Chemins de fer du Jura. «Le Matin» a suivi le chemin de croix de Norma.
- par
- Vincent Donzé
Un cabanon enneigé qui faisait office de gare: au Seignat (NE), la nostalgie a été balayée avec le nouvel horaire des Chemins de fer du Jura (CJ). L'arrêt supprimé le 10 décembre dernier était né de la volonté des quelques habitants de ce hameau niché au point de contact des cantons de Neuchâtel, du Jura et de Berne. La légende rurale raconte que les CJ avaient posé une condition à l'arrêt du train rouge: la construction d'une gare, ce qui fut fait en rondins par la famille d'un charpentier, au profit d'un restaurant fermé en 1962.
Dans les wagons, la halte figure encore dans chaque compartiment, mentionnée sur une tablette entre les arrêts facultatifs de La Cibourg et de La Ferrière. Pour arrêter le train, il fallait soit solliciter le conducteur si on était à bord, soit gesticuler si on se trouvait devant le cabanon. Mais, c'est du passé: depuis le 10 décembre, le train passe désormais tout droit.
Pour Nora (12 ans), scolarisée à La Chaux-de-Fonds, descendre du train à La Ferrière (BE) rallonge la marche jusqu'à la maison. «J'ai à peine le temps de manger avant de repartir à l'école», déplore-t-elle. Son lycée étant éloigné de la gare de La Chaux-de-Fonds, Olivia (17 ans) ne rentre plus, elle, pour le repas de midi.
Hier à 12 h 13, elles étaient deux écolières à descendre du train à La Ferrière pour rentrer au Seignat, mais Alison est montée dans la voiture de sa maman, la seule du hameau à ne pas avoir signé une pétition en faveur du maintien de la halte. «On ne peut pas s'établir à la campagne et vouloir le confort de la ville», assène Sabine Tramaux. Deux apprentis sont aussi concernés, qui prennent désormais le train à La Cibourg.
Sécurité en question
Pour donner le temps à Nora de manger des frites et du rôti avec sa grand-maman Liliane, qui fêtait hier ses 82 ans, François Sandoz a reconduit sa fille à l'école sitôt le repas englouti. «Avant, il suffisait de filer à la petite gare, visible de nos fenêtres», explique le papa, qui revisite le slogan des CJ: «Le train rouge qui bouge!» il faut aussi qu'il s'arrête…» La proximité avec la petite gare, c'est ce qui avait convaincu Céline et François Sandoz de s'installer à la campagne, il y a dix-huit mois. «En partant en ville, on laissait nos bottes et nos raquettes dans la cahute pour les récupérer au retour», raconte Céline.
La densification du trafic et un horaire «de plus en plus tendu», c'est ce qui a conduit les CJ à supprimer un arrêt de 15 secondes sur la ligne reliant La Chaux-de-Fonds à Glovelier (JU). La sécurité des usagers a aussi été brandie face à la pétition lancée par des villageois pour un maintien de la gare. Dans L'Express/L'Impartial, le directeur des CJ, Frédéric Bolliger, s'est dit en effet apeuré par ces arrêts du train «à la lueur d'une lampe de poche qui s'agite».
«Quel danger y a-t-il à attendre le train sur un tronçon rectiligne à la visibilité totale?» s'interroge pour sa part François Sandoz. Les CJ ont supprimé l'arrêt, mais pas le cabanon, qui ne leur appartient pas.