France: Affaire Seznec: le mystère percé cent ans après?

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FranceAffaire Seznec: le mystère percé cent ans après?

Ancien patron des sciences criminelles de Lausanne, Pierre Margot avait travaillé sur l'affaire Seznec. Il suit avec intérêt les rebondissements de ce week-end, mais reste prudent.

par
Renaud Michiels
Pas d'aveux, pas de corps, pas de preuves: Guillaume Seznec avait pourtant été condamné en 1924 pour le meurtre de Pierre Quémeneur (à g.). Des ossements ont été trouvés ce week-end dans le cellier de la maison de Seznec, dans le Finistère. À qui appartiennent-ils?

Pas d'aveux, pas de corps, pas de preuves: Guillaume Seznec avait pourtant été condamné en 1924 pour le meurtre de Pierre Quémeneur (à g.). Des ossements ont été trouvés ce week-end dans le cellier de la maison de Seznec, dans le Finistère. À qui appartiennent-ils?

Fred Tanneau, AFP

«Cent ans de mystères enfin résolus?» – «L'affaire Seznec relancée.» – «Prodigieux rebondissement.» Gros titres à l'appui, les médias français se passionnent de nouveau pour l'un des faits divers les plus célèbres de l'Hexagone: le meurtre de Pierre Quémeneur, en 1923. Il avait mené à la condamnation de Guillaume Seznec, qui a clamé son innocence toute sa vie.

L'origine de cet emballement? Des ossements ont été dénichés ce week-end dans le cellier de la maison de Guillaume Seznec, à Morlaix, dans le Finistère. Il s'agirait de deux morceaux de fémur. Qui ont appartenu à Pierre Quémeneur, dont la dépouille n'a jamais été retrouvée? «C'est inattendu car on pouvait imaginer que cette demeure avait été fouillée de fond en comble. En tout cas il est aujourd'hui possible que ces os parlent. On saura peut-être s'ils ont appartenu à Quémeneur. Ou, déjà, s'il s'agit bien d'ossements humains», sourit Pierre Margot.

S'il existe un Suisse qui connaît l'affaire Seznec, c'est bien lui. Aujourd'hui à la retraite, l'ancien directeur de l'École des sciences criminelles de l'Université de Lausanne avait travaillé dessus durant trois ans. «C'est un cas d'école. Dans l'inconscient collectif, c'est la pire erreur judiciaire depuis l'affaire Dreyfus, l'innocent qui passe plus de 20 ans au bagne pour rien», note-t-il.

Concrètement, il n'avait pas participé à la réhabilitation de Seznec. C'était plutôt le contraire. Avec quatre autres experts, à la fin des années 1990, il avait été chargé par la justice française de faire parler des documents: carnets, factures et contrats ayant appartenu à Seznec ou à Quémeneur. «Notre mission était de dénicher des éléments à décharge, qui permettraient une éventuelle réouverture du dossier en vue d'une réhabilitation. Or l'inverse s'est produit. Nous n'avons trouvé que des éléments à charge, qui démontraient que Seznec avait, au moins, tenté d'orienter l'enquête en sa faveur.»

Ces travaux, entre autres, avaient mené la Cour de cassation de Paris à un jugement tranché en 2006. Il n'existe «aucun fait nouveau ou élément inconnu de la juridiction au jour du procès qui soit de nature à faire naître un doute sur la culpabilité de Guillaume Seznec», écrivaient alors les juges. Pierre Margot et d'autres experts avaient démontré que des documents plaidant pour l'innocence de Seznec avaient été trafiqués. En 1924 déjà, outre du meurtre, Seznec avait été reconnu coupable de «faux en écriture».

L'intrigante Mme Seznec

Mais ce n'est pas incompatible avec un scénario aujourd'hui évoqué dans la presse française. Ce serait Mme Seznec, en tentant de repousser ses avances, qui aurait tué Quémeneur. Puis Seznec aurait couvert son épouse toute sa vie.

L'expert suisse semble dubitatif. Mais, en homme de sciences, il ne se prononce pas sur telle hypothèse ou telle conviction. «On lit aujourd'hui beaucoup de conjectures et de spéculations, certaines assez délirantes. Mais où est le concret? On verra la suite, mais j'ai plutôt l'impression qu'on ne connaîtra jamais exactement le fin mot de cette affaire hors norme.»

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