Football: Analyse: le projet de Fabio Celestini est encore une esquisse

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FootballAnalyse: le projet de Fabio Celestini est encore une esquisse

Le premier match du nouveau FC Sion a montré des intentions, mais également des failles. Avant le derby contre Servette dimanche (16h30), décryptage de l’idée de jeu du nouvel entraîneur.

par
Valentin Schnorhk
Fabio Celestini est encore en train de roder son équipe.

Fabio Celestini est encore en train de roder son équipe.

Freshfocus

Sourire aux lèvres, envie de disséquer et expliquer son travail, conscience que la tâche est encore loin d’être accomplie: Fabio Celestini est pour l’instant un entraîneur épanoui au FC Sion. Et ce, même si sa première sortie, dimanche contre Lugano, s’est terminée par une défaite 3-2 à la dernière minute. «Mais je préfère avoir perdu parce que nous avions envie de gagner, plutôt que parce que nous nous sommes repliés», a-t-il assuré jeudi, avant le derby de dimanche (16h30) contre Servette.

Toujours est-il que cette première fut loin d’être parfaite. Mais elle a correspondu aux intentions du nouvel entraîneur sédunois, à en croire ce dernier. «Chaque jour, on se rapproche un peu plus de ce que je recherche, renchérit Celestini. Mais il faut être conscient que pour ce groupe, c’est complètement différent de ce qu’il a connu durant six mois, nous sommes à l’opposé dans l’idée de foot.»

«Il faut être conscient que pour ce groupe, c’est complètement différent de ce qu’il a connu durant six mois, nous sommes à l’opposé dans l’idée de foot»

Fabio Celestini, entraîneur du FC Sion

Autrement dit, Fabio Celestini ambitionne de pratiquer un jeu plus proactif que celui de son prédécesseur Paolo Tramezzani. Mais comment ce modèle de jeu doit-il s’exprimer concrètement? Décryptage des premières idées de l’ancien entraîneur de Lausanne, Lugano et Lucerne.

Un outil à affûter: le un contre un défensif

L’une des clés pour comprendre Fabio Celestini est de ne jamais véritablement prendre pour argent comptant le onze de base tel qu’il est présenté avant le coup d’envoi. Maître dans l’art de semer le doute, le Vaudois de 47 ans s’attelle tout autant à donner beaucoup de flexibilité à ses équipes selon qu’elles aient ou non le ballon. Ainsi, contre Lugano, le 4-4-2 à plat annoncé n’en a jamais été un. Sans ballon, sur les sorties de balle tessinoises, il ressemblait plutôt à un losange.

L’objectif est le suivant: de par leur positionnement entre le central et le latéral et le leur, les deux attaquants (Chouaref et Sio dimanche) avaient pour ambition de contraindre le porteur de balle à trouver une passe à l’intérieur du jeu, en bloquant la ligne de passe vers les latéraux. Puis, dans l’axe, le un contre un doit être total. Ainsi, Wylan Cyprien était fixé sur le milieu défensif adverse Ousmane Doumbia, pendant que ses coéquipiers se chargeaient des autres milieux.

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Le 0-1, symbole d’un pressing manqué
Sion a deux ambitions sur les sorties de balles adverses:
1. Orienter l’adversaire vers l’intérieur, d’où le positionnement de Chouaref entre le défenseur central en possession du ballon et son latéral et la course de Sio arrondie pour bloquer la passe vers la gauche.
2. Être en un contre un dans l’axe, où chaque milieu prend un adversaire. Si la balle devait arriver sur le latéral gauche adverse, Lavanchy est prêt à sortir sur lui pour maintenir la pression haute.

Le 0-1, symbole d’un pressing manqué
Sion a deux ambitions sur les sorties de balles adverses:
1. Orienter l’adversaire vers l’intérieur, d’où le positionnement de Chouaref entre le défenseur central en possession du ballon et son latéral et la course de Sio arrondie pour bloquer la passe vers la gauche.
2. Être en un contre un dans l’axe, où chaque milieu prend un adversaire. Si la balle devait arriver sur le latéral gauche adverse, Lavanchy est prêt à sortir sur lui pour maintenir la pression haute.

Sauf qu’à force de mobilité luganaise, le un contre un désiré par Sion est perdu. Et Mattia Bottani peut être face au jeu, sans pression mise sur lui. Il peut changer le jeu, et éliminer les milieux valaisans.

Sauf qu’à force de mobilité luganaise, le un contre un désiré par Sion est perdu. Et Mattia Bottani peut être face au jeu, sans pression mise sur lui. Il peut changer le jeu, et éliminer les milieux valaisans.

Cela expose la défense sédunoise, Lavanchy se sentant contraint de sortir sur Hajdari. Cavaré ne décale pas assez vite, laissant une zone à Steffen pour faire l’appel. Ce dernier gagnera ensuite son duel contre Cavaré et pourra centrer pour Amoura.

Cela expose la défense sédunoise, Lavanchy se sentant contraint de sortir sur Hajdari. Cavaré ne décale pas assez vite, laissant une zone à Steffen pour faire l’appel. Ce dernier gagnera ensuite son duel contre Cavaré et pourra centrer pour Amoura.

L’intention est claire. Elle a même été répétée par Celestini avant de défier Servette. Mais l’écart entre l’ambition du marquage individuel et sa réalisation est encore important. Parce que Lugano, en bougeant beaucoup au milieu, a trouvé les moyens d’exploiter les côtés, ces zones où Sion ne voulait pas que son adversaire aille. En ne parvenant pas à tenir le un contre un, Sion a affiché une forme de désunion. Il l’a payé sur les deux buts qu’il a encaissé en première période.

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Les failles du un contre un
Sion a pour ambition de contraindre l’adversaire à jouer dans l’axe, parce qu’il y est en un contre un.

Les failles du un contre un
Sion a pour ambition de contraindre l’adversaire à jouer dans l’axe, parce qu’il y est en un contre un.

Sauf que Lugano est régulièrement parvenu à éliminer ce un contre un. Comme ici, en s’appuyant sur Doumbia, Lugano parvient à écarter sur le latéral Arigoni.

Sauf que Lugano est régulièrement parvenu à éliminer ce un contre un. Comme ici, en s’appuyant sur Doumbia, Lugano parvient à écarter sur le latéral Arigoni.

Celui-ci a alors du champ pour avancer et les mouvements luganais permettent des appels dans la profondeur.

Celui-ci a alors du champ pour avancer et les mouvements luganais permettent des appels dans la profondeur.

«Mon ambition est que l’équipe soit agressive et qu’elle accepte le un contre un, développe Celestini. Dans cette configuration, il est inévitable de se découvrir. Il est assez normal que notre bloc soit plus large si on essaie de presser. C’est aussi pour ça qu’on veut être en un contre un.» Autrement dit, en responsabilisant ses joueurs, le nouvel entraîneur sédunois espère pouvoir neutraliser l’adversaire.

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L’adaptation en 4-1-4-1
Afin de mieux gérer la largeur et éviter d’être dépassés sur les côtés, Sion défendra en 2e mi-temps en 4-1-4-1. Ainsi, Chouaref et Sio sont plus proches des latéraux adverses. Seul Cyprien reste haut, proche de Doumbia. Mais puisque personne ne sort sur les centraux luganais, le bloc sédunois recule.

L’adaptation en 4-1-4-1
Afin de mieux gérer la largeur et éviter d’être dépassés sur les côtés, Sion défendra en 2e mi-temps en 4-1-4-1. Ainsi, Chouaref et Sio sont plus proches des latéraux adverses. Seul Cyprien reste haut, proche de Doumbia. Mais puisque personne ne sort sur les centraux luganais, le bloc sédunois recule.

Par séquences, Sion s’adapte pour rester haut avec ses milieux relayeurs. Ici, Poha sort très haut pour mettre sous pression le central adverse.

Par séquences, Sion s’adapte pour rester haut avec ses milieux relayeurs. Ici, Poha sort très haut pour mettre sous pression le central adverse.

Force est d’admettre que ce n’est pas encore complètement intégré par son équipe. Et dimanche, en deuxième période, face à la facilité de ses adversaires à se montrer dangereux sur les extérieurs, Celestini a choisi de s’adapter en contrôlant plus la largeur. Le 4-1-4-1 défensif a eu pour effet de mieux gérer les latéraux adverses, mais également de contraindre le bloc valaisan à reculer quelque peu, les centraux luganais pouvant plus aisément avancer avec la balle. Tout cela est encore en rodage.

Une ambition: le ballon dans les 30 derniers mètres

Dans un football qui a évolué, Fabio Celestini est de ceux qui croient encore beaucoup à la possession. Avec un objectif: «Je veux que mon équipe ait la balle dans le dernier tiers du terrain.» Contre Lugano, c’est un aspect qui l’a satisfait, même si la possession globale a été beaucoup plus équilibrée (50,5-49,5 en faveur de Lugano).

Il ressort cependant de l’analyse des principes qui doivent permettre à Sion de maîtriser. Dans l’animation déjà, le système défensif se déformait pour se construire autour d’une base de trois défenseurs: les deux centraux (Cavaré et Schmied), ainsi que Reto Ziegler qui était aligné en tant que latéral gauche. À droite, Numa Lavanchy se projetait haut dans le couloir. Est-ce une véritable référence? Pas forcément: Ziegler ne sera vraisemblablement pas souvent aligné en tant que latéral, et en deuxième période, il a régulièrement accompagné Chouaref sur l’aile gauche.

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La base de trois à la relance
Avec ballon, Sion s’est déformé: Reto Ziegler, aligné en latéral, est souvent resté à la hauteur de ses défenseurs centraux en première période. À l’opposé, Numa Lavanchy occupait le couloir droit. Le reste des joueurs se positionnant à l’intérieur du jeu.

La base de trois à la relance
Avec ballon, Sion s’est déformé: Reto Ziegler, aligné en latéral, est souvent resté à la hauteur de ses défenseurs centraux en première période. À l’opposé, Numa Lavanchy occupait le couloir droit. Le reste des joueurs se positionnant à l’intérieur du jeu.

Cela a permis à Sion de fixer l’adversaire à l’intérieur du jeu, pour ensuite ouvrir l’extérieur. Comme ici, où Poha peut remiser sur Lavanchy.

Cela a permis à Sion de fixer l’adversaire à l’intérieur du jeu, pour ensuite ouvrir l’extérieur. Comme ici, où Poha peut remiser sur Lavanchy.

À moins que Celestini ne modifie légèrement son animation, pour s’appuyer sur trois défenseurs centraux, dont Ziegler. Cela pourrait dépendre de l’adversaire, et de sa manière de presser. L’idée étant d’avoir une supériorité numérique à la relance pour éliminer la première ligne et s’installer plus haut.

Il n’empêche, pour parvenir en zone 3, Sion a éprouvé quelques schémas: notamment celui de fixer Lugano à l’intérieur du jeu (où les Valaisans étaient en nombre), pour isoler des joueurs à l’extérieur. Ilyas Chouaref a notamment été très actif dans ce rôle-là, multipliant les un contre un offensifs. Contre Lugano, le Français a tenté 23 dribbles (pour 10 réussis): un total inédit pour un joueur de Super League sur un même match cette saison. Cela n’a pas échappé à Celestini, qui se verrait bien continuer d’explorer cette filière.

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Fixer à l’intérieur pour isoler Chouaref
L’un des principes les plus éprouvés par Sion contre Lugano a été le fait d’isoler Chouaref sur l’aile gauche, afin qu’il puisse jouer des un contre un.

Fixer à l’intérieur pour isoler Chouaref
L’un des principes les plus éprouvés par Sion contre Lugano a été le fait d’isoler Chouaref sur l’aile gauche, afin qu’il puisse jouer des un contre un.

Cela permet ensuite à Chouaref de dribbler et de trouver une position de frappe.

Cela permet ensuite à Chouaref de dribbler et de trouver une position de frappe.

Sur le but du 2-2, Sion enchaîne les passes à l’intérieur du jeu, avec ici un appui-remise pour trouver Grgic face au jeu.

Sur le but du 2-2, Sion enchaîne les passes à l’intérieur du jeu, avec ici un appui-remise pour trouver Grgic face au jeu.

Il importe toutefois que Sion parvienne à être plus concret offensivement. Malgré son emprise durant une bonne partie de la deuxième période, la formation valaisanne n’a jamais été très dangereuse, tout en ayant plus tiré au but. Ainsi, en moyenne, selon les Expected Goals, Sion avait 8% de chance qu’une de ses tentatives se termine en but, alors que le total luganais s’élevait à 23%. Un axe de progression.

Une valeur refuge: les transitions

Reste que malgré ses intentions d’un football protagoniste, Sion peut toujours s’appuyer sur des aspects pas forcément théorisés en profondeur par Fabio Celestini, mais qui demeurent fiables. Les transitions offensives en font notamment partie.

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La projection vers l’avant à la récupération
Sion récupère la balle dans son camp. En s’appuyant sur Sio, il peut avancer et Chouaref peut se projeter en profondeur.

La projection vers l’avant à la récupération
Sion récupère la balle dans son camp. En s’appuyant sur Sio, il peut avancer et Chouaref peut se projeter en profondeur.

Il est accompagné par ses coéquipiers. Cela donnera une occasion pour Sion.

Il est accompagné par ses coéquipiers. Cela donnera une occasion pour Sion.

Autre exemple ici où, à la récupération, Araz peut immédiatement trouver Chouaref en profondeur. Cyprien et Sio l’accompagnent.

Autre exemple ici où, à la récupération, Araz peut immédiatement trouver Chouaref en profondeur. Cyprien et Sio l’accompagnent.

C’est dans ce secteur de jeu que les Valaisans ont été les plus menaçants dimanche dernier: leur habileté à se projeter très vite et à plusieurs à la récupération du ballon a été une arme évidente lorsque Lugano s’est découvert. Le but du 1-1 l’a illustré: dès lors que Lavanchy a récupéré le ballon, Chouaref s’est empressé d’effectuer un appel dans l’espace, vers l’extérieur. À l’intérieur, Cyprien avait parfaitement suivi pour marquer.

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Le but du 1-1
Lavanchy récupère la balle dans son camp.

Le but du 1-1
Lavanchy récupère la balle dans son camp.

Il peut avancer et trouver Chouaref en profondeur, lui qui effectue l’appel vers l’extérieur.

Il peut avancer et trouver Chouaref en profondeur, lui qui effectue l’appel vers l’extérieur.

Cyprien (comme Sio) a suivi et peut égaliser.

Cyprien (comme Sio) a suivi et peut égaliser.

Fabio Celestini a donc un mérite: le projet qu’il dessine pour le FC Sion est parlant. Est-il adapté à sa nouvelle équipe? C’est le temps qui le dira. Des éléments de réponse sont à nouveau attendus contre Servette.

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