ReligionAprès la burqa, il s'attaque au Coran
L'UDC Walter Wobmann veut interdire la distribution dans la rue du livre sacré de l'islam.
- par
- Fabien Feissli

Walter Wobmann ne veut pas voir ce genre de stand dans les rues en Suisse.
Déjà à l'origine de l'initiative antiminaret et de celle contre la burqa, le conseiller national Walter Wobmann (UDC/SO) s'est trouvé un nouveau combat. Désormais, ce sont les distributions de Corans dans les rues helvétiques qu'il veut faire interdire. «Il ne doit pas être possible que des livres aussi extrêmes que le Coran, qui s'attaquent à nos systèmes sociétal et juridique, soient distribués», justifiait-il, hier, dans Ostschweiz am Sonntag et Zentralschweiz am Sonntag.
Les dominicaux alémaniques précisent également que l'initiative contre la burqa est actuellement en difficulté. À cinq mois du terme, il lui manque toujours 30 000 voix et les caisses sont vides. En ce qui concerne le Coran, Walter Wobmann ne sait pas encore s'il formulera sa proposition par la voie parlementaire ou par le biais d'une nouvelle initiative populaire.
S'il reconnaît que le sujet est important, le conseiller national Yannick Buttet (PDC/VS) souligne qu'interdire la distribution du Coran n'a aucun sens. «Le problème, ce n'est pas le livre en soi. Le problème, et les services de renseignements de la Confédération le savent, c'est que certaines de ces distributions servent de moyen de recrutement pour l'EI», détaille-t-il. Fin 2016, l'Allemagne a interdit l'organisation «Die wahre Religion», qui distribuait des Corans dans la rue. Soupçonnée d'avoir joué un rôle dans la radicalisation de jeunes musulmans, celle-ci est également active en Suisse.
Pour Yannick Buttet, il faut donc faire preuve d'une attention accrue à ce sujet. «Plutôt que d'interdire les distributions, il faut cibler les associations ou les mosquées qui sont actives dans le recrutement», indique-t-il. Sa collègue du Conseil national Laurence Fehlmann Rielle (PS/GE) abonde. «En soi, distribuer le Coran n'a rien de répréhensible. En revanche, si on prouve que certains en profitent pour créer des réseaux conduisant au djihad, alors ce sont ces associations-là qu'il faut interdire», affirme-t-elle.
«Un créneau qui séduit»
À ses yeux, la proposition de Walter Wobmann participe surtout d'une volonté de stigmatiser l'islam. «Cela contribue à semer le soupçon sur l'immense majorité des musulmans qui sont modérés ou non pratiquants et qui ne sont absolument pas dangereux», regrette-t-elle. Pour elle, le sujet est devenu un fonds de commerce, régulièrement alimenté par certains. Une vision partagée par Yannick Buttet. «On peut se demander si Walter Wobmann ne prépare pas sa prochaine campagne. Électoralement, il vit de ce créneau qui séduit une minorité», analyse-t-il. Si, pour lui, ces stigmatisations sont inacceptables, l'élu PDC invite les musulmans de Suisse à prendre position de manière encore plus claire. «On peut trouver cela injuste mais pour éviter l'amalgame, ils doivent répéter tout le temps: «Ces gens-là ne sont pas des musulmans, ces gens-là sont des terroristes.»
De son côté, la conseillère nationale Lisa Mazzone (Les Verts/GE) dénonce l'idée formulée par Walter Wobmann. «C'est grave de proposer quelque chose comme cela. Cela porte atteinte à la liberté de religion en vigueur en Suisse», pointe-t-elle. À ses yeux, cela va clairement à rebours de ce qu'il faut faire pour assurer la cohésion sociale. «Encore une fois, c'est une mesure qui ne s'applique qu'à une seule religion. On stigmatise de manière continue et répétée une partie de la population, en l'occurrence les musulmans», regrette la conseillère nationale. Elle rappelle par ailleurs que l'arsenal législatif permettant de lutter contre l'incitation à la violence existe déjà et qu'il sera encore renforcé le 1er septembre prochain avec l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur le renseignement.