Berne: Armes à feu: une loi qui rate sa cible

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BerneArmes à feu: une loi qui rate sa cible

La directive sur les armes débattues au Conseil national ne change rien pour les militaires ni pour les chasseurs. Pour Lisa Mazzone, toute cette discussion est un pétard mouillé.

par
Eric Felley
En adaptant la directive européenne sur les armes, la Suisse a réussi à sauver la tradition de l'arme militaire à la maison.

En adaptant la directive européenne sur les armes, la Suisse a réussi à sauver la tradition de l'arme militaire à la maison.

Keystone

«Ce sont des cris d'orfraie pour des broutilles.» La conseillère nationale Lisa Mazzone (Les Verts/GE) a fait une intervention plutôt décalée mercredi, durant le débat sur la directive de Schengen concernant les armes que la Suisse doit adapter pour mai 2019. Ces «cris» viennent de «ceux qui prétendent avoir le monopole de la tradition suisse». Selon elle, cette loi est «hyperminimale» et ne traite pas les vrais problèmes sociétaux que sont les suicides et les violences domestiques.

Habitudes inchangées

Comme l'a rappelé la cheffe du Département de justice et police, Simonetta Sommaruga, l'application de la directive européenne à la sauce helvétique ne bouleverse pas les habitudes des tireurs de ce pays, en particulier les détenteurs d'armes semi-automatiques. Les militaires peuvent garder leur arme d'ordonnance à la maison sans autre formalité. L'exercice de la chasse n'est pas concerné par ce type d'arme. Les collectionneurs auront des autorisations spéciales. Seuls les tireurs sportifs qui veulent détenir une arme semi-automatique devront attester qu'ils tirent régulièrement ou font partie d'une société de tir. Aucun test psychologique n'est requis.

Enfin, pour les détenteurs actuels, si leur arme est déclarée, cela ne changera rien. Dans le cas contraire, ils auront trois ans pour s'annoncer aux autorités cantonales. Pour Lisa Mazzone, ce débat est entièrement biaisé par la question européenne, et passe à côté du sujet: «La Suisse, c'est le premier pays d'Europe en matière de suicide par arme à feu. L'autre tragédie, c'est leur utilisation dans les violences domestiques. Un homicide sur deux, y compris les tentatives d'homicide, s'inscrit dans ce cadre. Selon l'Office fédéral de la statistique, des armes à feu sont utilisées dans 30% des cas. Dans ce débat, pas un mot sur ces questions, cela me met en colère! Le seul progrès est l'inscription dans les cantons, mais dans un délai de trois ans, c'est très large.»

En l'absence d'atteintes majeures aux détenteurs d'armes, l'UDC s'oppose surtout au texte parce qu'il vient de Bruxelles. Pour Werner Salzmann (UDC/BE), «on ne peut accepter que l'Union européenne nous impose sa loi. Demain, on pourrait interdire les allumettes parce qu'elles peuvent mettre le feu aux maisons, ou les couteaux de cuisine.» Pour Jean-Luc Addor (UDC/VS), président de Pro Tell, le lobby des tireurs, «c'est un changement de paradigme pour des centaines de milliers de Suisses, jusqu'ici considérés comme des citoyens responsables, dès lors suspectés d'être des criminels en puissance».

Schengen prime

Le PLR et le PDC estiment, eux, que les aménagements de la loi helvétique sont peu de chose en comparaison de l'intérêt de la Suisse à conserver les Accords de Schengen pour les questions de police. Mais, sur des questions de détail, le camp bourgeois a voulu encore se distancier de la directive de Bruxelles: «Cette version est déjà très minimale, observe Lisa Mazzone, on dirait qu'ils jouent avec le feu…»

De toute façon, l'objet doit être traité par le Conseil des États qui saura mettre des crans de sûreté là où il faut. Ensuite, un référendum est très probable.

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