Interview indiscrèteAymeric Caron: «Je sens le poids de l'âge»
Il y a une vie après «On n'est pas couché». Invité hier sur LFM, le journaliste s'est livré sur tout ce qui fait de lui un homme heureux.
- par
- Catherine Hürschler

Venu hier dans «Morax dans la radio» sur LFM, Aymeric Caron a découvert après l'émission la tranquillité du chef-lieu vaudois. «C'est toujours comme ça?» demande-t-il en remontant le Petit-Chêne. A peine deux minutes plus tard, deux jeunes filles s'approchent pour le féliciter pour son nouveau livre, «Antispéciste, réconcilier l'humain, l'animal et la nature». Il leur en a parlé avec bonheur, au sortir d'un long entretien centré sur son parcours de vie.
Aymeric Caron, qui êtes-vous?
Je suis un homme, né il y a 44 ans maintenant, journaliste, écrivain et assez sensible à toutes les questions qui touchent le vivant et notre rapport aux animaux non humains et à l'humain en général.
Votre tout premier souvenir?
Sans doute des moments où je dessine. Sur l'une des premières photos de moi, je suis à une table et je dessine. Mes parents m'offraient toujours des cahiers de dessin et jusqu'à l'âge de 12-13 ans, j'ai pensé devenir dessinateur. C'étaient toujours des aventures, des histoires dans l'espace, j'inventais des superhéros qui devaient protéger l'humanité depuis l'espace.
Etiez-vous un enfant sage?
Oui, je suis devenu plus turbulent avec l'adolescence. Les profs ont commencé à relever que je pouvais contester leur autorité, que je pouvais m'insurger contre une décision que je trouvais sans fondement ou injuste.
Enfant, de quoi aviez-vous peur?
J'avais sans doute des questionnements sur la mort. En fait, dans mon livre «Antispéciste», il y a toute une réflexion sur notre présence au monde, sur la manière de profiter de cette présence. Ce questionnement a commencé très jeune chez moi, avec sans doute une forme d'angoisse par rapport au vide, au rien.
Dans l'enfance, quel fut votre plus grand choc?
J'ai eu une enfance très calme, protégée. Il y a eu bien sûr toutes les petites blessures de l'enfance qui nous éduquent, les déceptions, les amitiés contrariées, mais cela reste des mini-événements qui forgent le caractère et la personnalité. J'ai toujours été profondément révolté par l'injustice sous toutes ses formes et cela se retrouve aussi dans le livre.
Votre mère vous disait-elle «je t'aime»?
Je viens d'une famille protestante où l'on ne dit pas les choses comme ça. On l'exprime par des gestes, des actions.
Comment avez-vous gagné votre premier argent?
Je travaillais dans un hospice où je lavais le sol et je m'occupais des personnes âgées. J'avais 18 ans pile. J'ai travaillé ensuite dans un hôpital. Quand j'ai commencé l'école de journalisme de Lille, j'avais des petits mandats de reportage pour différents médias régionaux.
Que vouliez-vous devenir?
Journaliste, grand reporter. J'avais une douzaine d'années, c'était la guerre du Liban, dans les années 1980. J'ai vu à la télé quelqu'un qui faisait un duplex depuis Beyrouth. J'étais avec mes parents dans le salon et je leur ai dit: «Voilà, c'est ce métier-là que je veux faire.» Au début de chaque année scolaire, en France, on doit remplir un questionnaire en indiquant ce que l'on veut faire plus tard. Dès le collège, j'ai écrit «journaliste». J'ai une chance énorme d'avoir pu réaliser mon rêve.
Pour vous, c'est quoi, le vrai bonheur?
D'être libre. Quelle est la plus belle de vos qualités?
Ce qui me revient aux oreilles, c'est ma capacité à être fidèle à mes convictions. D'agir en cohérence avec mes convictions. De les faire passer avant un objectif de carrière. Une sorte de droiture.
Votre plus grand regret?
A 44 ans, si je refais l'histoire de ma vie, j'ai plein de petits regrets, des choix qui n'étaient pas les bons, mais ce sont ces moments-là m'ont permis d'être là où j'en suis dans ma vie. Et je suis très heureux. Parfois, j'ai des regrets d'avoir blessé certaines personnes.
Avez-vous déjà volé?
Oui, une fois. Un truc, je ne sais plus quoi, à un copain à l'école. J'avais 7-8 ans, encouragé par un autre. Je m'en étais voulu pendant des semaines!
Avez-vous déjà tué?
Je me rappelle d'un petit hérisson, j'étais en voiture, j'avais une vingtaine d'années. Il faisait nuit et je l'ai vu au dernier moment. Impossible de l'éviter. Je me suis arrêté tout de suite et j'ai vu qu'il ne bougeait plus. Je n'ai jamais su si c'était vraiment à cause de moi. J'en suis resté mal à l'aise pendant quelques jours. Pour moi, c'est vraiment insupportable de me dire que je peux être responsable de la fin d'un être vivant, d'un être sensible.
Si vous aviez le permis de tuer quelqu'un, qui serait-ce?
Seulement s'il s'agit de supprimer la vie d'un humain qui a un projet barbare pour l'humanité! Avoir recours à la violence, c'est un constat d'échec pour moi.
Avec qui aimeriez-vous passer une agréable soirée?
J'ai déjà rencontré beaucoup de monde… (Il réfléchit.) Parfois, les gens dont on admire le travail ne sont pas ceux qui vont être les plus agréables pour discuter. Petit, j'ai eu un poster de Kim Wilde dans ma chambre et j'ai eu plus tard l'occasion de la rencontrer. Je suis fou du travail de guitariste d'Eddie Van Halen, mais de là à l'interviewer… je ne sais pas ce qu'il en ressortirait.
Qui trouvez-vous sexy?
Ma compagne. Je viens de vous parler de Kim Wilde, et par rapport à mon adolescence, il y avait aussi Kylie Minogue. Je trouve sexy des gens qui sont dans la modération, comme Natalie Portman.
Pourquoi avez-vous pleuré la dernière fois?
J'ai eu une petite larme devant le film «Marley & moi», avec Jennifer Aniston. J'adore les comédies américaines! Sinon, cela devait être il y a un an et demi, en finissant le Marathon de New York, en 4 h 07'. J'avais tenu mon objectif sans souffrir.
De quoi souffrez-vous?
Je sens le poids de l'âge. Ce n'est pas une blague. Aujourd'hui, quand je ne dors pas, je mets 3 jours à m'en remettre. Je commence à sentir que je dois prendre soin de mon corps pour qu'il reste mon allié.
Avez-vous déjà frôlé la mort?
Quand j'ai été reporter dans des conflits, par exemple à Bagdad en 2003, je me suis retrouvé dans des situations compliquées, mais je limitais les risques.
Croyez-vous en Dieu?
Non.
Quel est votre péché mignon?
Le chocolat. Et je suis aussi accro à la musique.
Trois objets culturels que vous prenez sur une île déserte?
On a un peu de temps pour que je fasse mes choix? J'aimerais un piano pour faire de la musique. Je prendrais des albums de Led Zeppelin, Dire Straits, Laurent Voulzy et Bach. Et les œuvres complètes de Franz Kafka pour la lecture.
Combien gagnez-vous par an?
C'est variable, cela dépend de ce que rapportent mes livres.
Pensez-vous que vous gagnez assez par rapport au travail que vous fournissez?
Pour moi, pouvoir déjà payer son loyer, partir une fois en vacances dans l'année, manger et aller au cinéma de temps en temps, c'est déjà bien. Pour «On n'est pas couché», que j'ai faite pendant 3 ans, on était payés 1500 euros brut par émission. Cela dit, je n'ai jamais vécu en étant déconnecté des réalités.
Qui sont vos vrais amis?
Ma compagne et si j'ai besoin d'aide en pleine nuit par exemple, je sais que je pourrais toujours compter sur ma mère.
Que souhaitez-vous à vos pires ennemis?
De recouvrer la raison.
Qui aimeriez-vous voir répondre à ce questionnaire?
(De longues minutes de réflexion s'écoulent.) Mon chat «Chloé».