Médecine«Bagus» avait aussi reçu des antidépresseurs
Un zoo anglais vient d'administrer des antidépresseurs à des manchots. En Suisse, on fait tout pour éviter le recours à la chimie, mais des cas existent.
- par
- Renaud Michiels
Tombée vendredi, la nouvelle à de quoi surprendre: un zoo anglais administre des antidépresseurs à ses manchots. Du Prozac pour les pensionnaires de jardins zoologiques? Le cas n'est pas unique. A l'étranger, certains ouvrent leur pharmacie pour traiter l'agressivité, l'anxiété ou des troubles obsessionnels compulsifs. Surtout pour des primates. Mais en Suisse on fait tout pour l'éviter. «Les antidépresseurs sont aujourd'hui utilisés en médecine vétérinaire pour des chats ou chiens. Mais pour un zoo je n'irais pas jusqu'à dire que ce serait un échec, mais ce serait vraiment en dernier recours. Notre travail est justement de ne jamais en arriver là», souligne Michel Gauthier-Clerc, vétérinaire et directeur du Zoo La Garenne, à Le Vaud.
«Je ne crois pas avoir de pensionnaires dépressifs… En tout cas nous n'avons jamais utilisé d'antidépresseurs, note Roland Bulliard, directeur du Zoo de Servion (VD). Nous tentons de repérer au plus vite les comportements répétitifs et traces de stress ou d'ennui. On ne veut surtout pas que ça s'installe. Mais la réponse n'est pas médicamenteuse mais comportementale. On place des jeux, on réaménage le décor, on cache la nourriture, etc.»
Un ballon plutôt qu'un médoc
Même stratégie à La Garenne, où l'on n'a jamais eu recours à la chimie pour des vagues à l'âme. «Tout notre travail est d'intervenir en amont, avant d'éventuels problèmes psychologiques. Nous guettons tout ce qui est inhabituel et répondons par un «enrichissement de comportement»: en donnant par exemple un faux veau aux loups ou un ballon aux lynx.»
Reste qu'il y a eu au moins un cas en Suisse d'usage d'antidépresseurs: l'an passé, à Bâle, pour l'orang-outang «Bagus». Venu de Berlin, ce singe ne s'était pas acclimaté à son nouveau groupe. Il se terrait, se cachait derrière des toiles de jute, ne mangeait presque plus. «Les parcs zoologiques utilisent parfois des antidépresseurs pour des transports d'animaux. Mais sinon c'est le seul cas que nous avons eu», explique Christian Wenker, vétérinaire du zoo. «C'était un produit végétal à base de millepertuis, que nous avons utilisé durant 9 mois. Nous avons vu une amélioration et «Bagus» va aujourd'hui très bien. L'usage d'un antidépresseur c'est un peu l'ultima ratio. Mais si nous avions de nouveau un cas vraiment spécial et difficile nous le réutiliserions.»
Côté abus d'antidépresseurs, il semble donc que le problème reste du côté des visiteurs. Les Helvètes en consomment pour quelque 100 millions de francs par an.