Humeur: Black Friday, le jour où le commerce porte fièrement le deuil

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HumeurBlack Friday, le jour où le commerce porte fièrement le deuil

A force de casser les prix, les soldes seront bientôt l'état permanent du commerce. Seuls les pigeons paieront encore plein pot.

Eric Felley
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Eric Felley
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A Lausanne. Bon nombre d'enseignes vivent le Black Friday. Ce rendez-vous commercial prend de l'ampleur depuis 2014, sa première édition en Suisse.

A Lausanne. Bon nombre d'enseignes vivent le Black Friday. Ce rendez-vous commercial prend de l'ampleur depuis 2014, sa première édition en Suisse.

Lausanne.

Lausanne.

Jean-Christophe Bott, Keystone
Zurich.

Zurich.

Walter Bieri, Keystone

En ce jour de Black Friday, le centre de Lausanne est noir de monde. Noire est la couleur de cette journée. Noir, c'est aussi les attributs du deuil. Autour de la rue Centrale, des ballons brillants signalent les boutiques qui participent au massacre des prix. Mais cela reste modeste. Les principales enseignes proposent du 30%, du 20% , voire un misérable 15 %. Psychologiquement, en-dessous de 50 %, il n'y a pas de réelles bonnes affaires.

On en est loin. L'année dernière, une enquête du magazine français «Que choisir » a passé en revue des milliers de prix de produits high-tech et a constaté des rabais ridicules à l'occasion de cette journée. -2 % pour les téléviseurs, -0,8 % pour les smartphones ou -1,8 % sur les ordinateurs portables. L'étude constate que la plupart des commerces, pour afficher des rabais substantiels, «continuent à s'appuyer sur des prix d'origine élevés, qui ne correspondent pas à la réalité.»

Sur les réseaux sociaux, certains s'en réfèrent à un volatil bien connu: «Black friday, le jour des pigeons». Aux Etats-Unis, d'où est parti cette fête de la consommation totale, ils étaient 174 millions en 2017 à avoir acheté 3 milliards de trucs inutiles. En quelques années, soit depuis 2014, la migration des pigeons a touché l'Europe de plein fouet.

«N'achetez rien!»

Mais tout le monde ne joue pas le jeu ou le prend à contre-pied. En Ville de Lausanne, chez Payot, c'est «Fair-Friday», où l'on peut arrondir sa facture au montant supérieur et offrir la différence à Caritas. Dans la rue, des enfants se promènent avec des gobelets pour Terre des Hommes ou le Centre social protestant. Certains ont des biscuits en échange, d'autres font carrément la manche. D'autres encore militent aussi pour le Green Friday, lancé par Greenpeace: «Pour sauver la planète, n'achetez rien!», tel est le mot d'ordre.

Pas «pigeon» sur le front

Du point de vue du consommateur, la fin de la planète c'est loin. Par contre on dira que trop de soldes tuent les soldes. Voilà que les gens prennent vite des habitudes. Ils attendent le vendredi noir de novembre pour acheter. Ensuite, ils ne sortent plus le porte-monnaie jusqu'aux soldes du début janvier. Ce n'est pas écrit «pigeon» sur leur front. On est tous le pigeon d'un autre.

Finalement, il n'y a plus que les idiots qui achètent des produits en périodes de tarif normal, qui sont de moins en moins longues entre deux braderies. L'état de normalité tend à devenir celui des soldes. Tout ce qui s'achète entre deux est acheté trop cher. Sauf pour certains clients, qui tiennent à payer le prix juste. Qu'ils soient remerciés par les commerçants qui tentent de survivre sur une planète toute affolée par une baisse de prix d'un jour.

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