Algérie: Bouteflika lâché par ses proches alliés

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Le Rassemblement national démocratique de l'ex-premier ministre Ahmed Ouyahia réclame la démission du président algérien Abdelaziz Bouteflika. Comme d'autres.

Les Algériens expriment leur scepticisme

Après le plus haut gradé de l'armée, d'autres fidèles ont continué de lâcher mercredi Abdelaziz Bouteflika, affaibli par la maladie et contesté par la rue. En tête de ceux-ci, figure l'ex-Premier ministre Ahmed Ouyahia qui a réclamé la démission du président algérien.

Cible depuis le 22 février d'une contestation sans précédent en deux décennies de pouvoir, née de sa candidature à un 5e mandat, Abdelaziz Bouteflika est toujours en fonctions et son sort n'est pas scellé.

Il peut refuser de démissionner et le Conseil constitutionnel - dont le président est un autre proche du chef de l'Etat - est le seul à pouvoir enclencher la procédure prévue à l'article 102 de la Constitution, permettant d'écarter le président en cas de «maladie grave et durable». Mais Abdelaziz Bouteflika semble de plus en plus isolé et privé de soutiens, face à une mobilisation populaire qui ne faiblit pas.

En cas de départ, la Constitution charge de l'intérim Abdelkader Bensalah. Président du Conseil de la Nation (chambre haute) et membre du Rassemblement national démocratique (RND), l'homme de 77 ans est le principal allié du Front de libération nationale (FLN) de Abdelaziz Bouteflika.

«Hommage» à Bouteflika

Mercredi, le coup est d'abord venu du RND et de son secrétaire général, Ahmed Ouyahia, un fidèle qui fut trois fois Premier ministre de M. Bouteflika et qui l'était encore il y a quelques semaines. Dans un communiqué, le RND et M. Ouyahia, qui n'avaient pas ménagé leurs appels à un 5e mandat du chef de l'Etat, «recommandent la démission du président de la République (...) dans le but de faciliter la période de transition».

C'est ensuite le patron de la centrale syndicale UGTA (Union nationale des travailleurs algériens), Abdelmadjid Sidi Saïd, jusqu'ici laudateur acharné de Abdelaziz Bouteflika, qui a «salué» l'appel du chef d'état-major de l'armée à écarter le président.

Le général Ahmed Gaïd Salah, qui était jusqu'à peu encore un autre soutien indéfectible de M. Bouteflika, avait proposé mardi, pour sortir de la crise, la mise en oeuvre de l'article 102 qui organise également l'intérim en cas de démission du président. Une proposition également accueillie par le RND qui «rend hommage à Abdelaziz Bouteflika, pour tout ce qu'il a fait pour l'Algérie».

Election reportée sine die

Agé de 82 ans, Abdelaziz Bouteflika est affaibli par les séquelles d'un accident vasculaire cérébral (AVC). Ces dernières l'empêchent, depuis 2013, de s'adresser de vive voix aux Algériens et rendent rares ses apparitions publiques.

Mercredi, lors d'une nouvelle visite à des unités sur le terrain, le général Gaïd Salah a assuré que l'armée ne s'écarterait «jamais» de ses «missions constitutionnelles». L'armée «saura, en temps opportun, privilégier l'intérêt de la patrie sur tous les autres intérêts. Et quel intérêt serait au-dessus de celui de la Nation?», a-t-il néanmoins ajouté, manière sibylline d'accentuer la pression sur l'entourage du président Bouteflika.

Car le temps presse. S'il a renoncé à briguer un 5e mandat, Abdelaziz Bouteflika a aussi reporté sine die la présidentielle, initialement prévue le 18 avril et désormais censée se tenir après une «Conférence nationale» chargée de réformer le pays et d'élaborer une nouvelle Constitution.

Ce faisant, il a prolongé de fait son actuel mandat au-delà de son expiration constitutionnelle le 28 avril, pour une durée indéterminée. Une solution rejetée par les manifestants et jugée inconstitutionnelle par les observateurs.

«Marre de ce pouvoir»

Les «clans du système (...) cherchent à se sauvegarder à un mois de la fin du mandat» de Bouteflika, estime Mahrez Bouich, professeur de philosophie politique à l'Université de Béjaia (180 km d'Alger). Mais «le peuple ne veut pas d'un simple changement de clan», il demande «une rupture radicale avec le système» au pouvoir, ajoute-t-il, estimant que «la contestation va continuer».

Dans les rues du centre d'Alger, où défilent chaque vendredi des cortèges gigantesques pour demander le départ de Abdelaziz Bouteflika, de son entourage et du «système», les efforts de mise à l'écart du chef de l'Etat laissent largement circonspects.

C'est un «cadeau empoisonné», juge Ahcene Zenati, économiste de la santé, 45 ans, car le président une fois écarté, «on garde le système» au pouvoir. Pour le moment, il n'y a «rien de concret», rappelle Yahia, technicien de laboratoire de 64 ans, et «le peuple va peut-être demander davantage» qu'un départ de Bouteflika de la présidence.

Mercredi matin encore, quelques centaines de chercheurs se sont rassemblés sur le parvis de la Grande Poste, épicentre de la contestation dans la capitale, pour chanter «Y en marre de ce pouvoir».

(ats)

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