Festival de CannesBrad Pitt: «La violence? Ça fait partie du jeu»
En conférence de presse, Brad Pitt évoque «gratuitement» le film d'Andrew Dominic «Killing Them Softly».
- par
- De notre envoyé spécial à Cannes ,
- Jean-Philippe Bernard
Le cinéma américain? C'est bien connu, dans les milieux journalistiques personne ou presque n'aime ça. Trop simple, trop vulgaire, trop mercantile. D'après ce qu'on entend dans les couloirs du palais, l'horreur absolue est atteinte lorsqu'on est confronté à une production yankee qui roule les mécaniques en annonçant en gros sur l'affiche la présence de Brad Pitt au générique. Raison pour laquelle sans doute, au sortir de la projection de «Killing Them Softly», film d'Andrew Dominic répondant aux critères évoqués ci-dessus, les journalistes se ruent dans les escalators pour venir s'écraser un étage plus haut contre le cordon de sécurité qui entoure la salle allouée aux conférences de presse. Dans 80?minutes, l'horrible Brad Pitt, celui pour lequel, si l'on en croit la rumeur, le distributeur exigerait 3000?francs pour une interview de vingt?minutes, va débouler. La foule des médias, déjà plus nombreuse que pour les rendez-vous avec des légendes comme Jean-Louis Trintignant ou Alain Resnais, donne des signes de fébrilité. Le personnel lance des appels à la raison.
Bousculades
«C'est un scandale, laissez-moi passer, je veux entrer, j'en ai besoin», s'époumone une dame très rouge en tentant de passer devant une centaine de confrères. Quelques bousculades plus tard, on se retrouve là où celui que tout le monde prétend détester doit prendre la parole. Une bonne heure après, Brad pénètre effectivement dans le sauna en souriant, s'incline face à l'assistance et lâche un «bonjour» en français. Dans quelques mois, «Killing Them Softly», superbe film noir épuré, risque de faire défaillir les amateurs de polars façon «Le Point de non retour» de John Boorman. Mais, pour l'heure, les spectateurs cannois cuisinent Brad et son réalisateur sur les fulgurants moments d'ultra-violence qui traversent le film. Une voix s'élève pour demander si l'acteur, qui est père de famille nombreuse, ne serait pas embarrassé que ses enfants voient ça. «Ah bon, j'ai des enfants dans le film? Je n'avais pas remarqué», sourit la star avant de poursuivre: «La violence? Ça fait partie du jeu dans un récit comme celui-là. Et, franchement, ça ne me pose aucun problème de conscience vis-à-vis de mes enfants. J'aurais en revanche plus de mal à incarner un type raciste…»
A ses côtés, regard perçant, Andrew Dominik enfonce le clou. «J'aime la violence dans les films. Comment montrer les drames autrement que par la violence? Les contes de Grimm sont violents mais ils adressent un message aux enfants. C'est un peu ce que fait «Killing Them Softly…» Lorsque quelqu'un lui demande si Scorsese est une influence revendiquée, Dominik, moins aimable, lâche: «Je connais, j'aime comme tout le monde.»
L'action du film se déroulant au moment de l'élection de Barack Obama, certains croient y déceler un message politique subtil. «Ça sert le récit, ça permet de l'ancrer dans la réalité d'une époque. Mais n'allez pas y voir trop de sens cachés», prévient le réalisateur avant que Pitt, rêveur, ne confie: «J'étais à Chicago la nuit où Obama a gagné. C'était un moment merveilleux, l'expression d'un espoir aussi…»
Avec un certain flegme, le héros du jour affronte ensuite les questions sur sa vie privée: «Non, Angela et moi n'avons pas encore fixé de date pour notre mariage.» A-t-il envie parfois de frapper les journalistes comme l'a fait récemment son collègue Will Smith? «Qui a frappé qui? Là où je vis, je ne reçois pas ce genre de nouvelle. Je ne suis pas au courant de cette affaire.» Tout en recoiffant sa longue chevelure vers l'arrière, il conclut néanmoins dans un clin d'œil: «D'après ce que j'en sais, ça fait toujours mal de se prendre un gnon, non?»