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Mondial-2014 - La nostalgie des faux maillots Made in China (REPORTAGE) Par Joshua BERGER Rio de Janeiro, 14 juin 2014 (AFP) - Dans son échoppe, Gloria Calves est assaillie par les clients en quête de faux maillots de la Coupe du monde, mais la plupart repartent déçus de ne pas avoir pu acheter des répliques bon marché "Made in China" des tenues officielles.
"C'est la pire de toutes les Coupes du monde. Toutes les autres étaient bonnes mais celle-ci est épouvantable", confie ce bout de femme de 68 ans, dont la tête dépasse à peine de l'étal de son échoppe du marché Saara, dans le centre de Rio de Janeiro. "La police ne nous laisse pas gagner notre vie. Nous risquons la prison ou des amendes juste en essayant de faire des affaires", se plaint-elle, au milieu de sa boutique aux couleurs auriverde. Avant le Mondial, sa petite entreprise bénéficiait d'un modèle économique simple et rentable, même s'il était illégal, reconnaît-elle bien volontiers. Car au lieu de proposer le maillot officiel floqué du numéro 10 de la star locale Neymar à 120 euros - prix proposé dans les boutiques officielles du géant Nike - elle vendait des répliques quasi identiques confectionnées en Chine pour 25 euros. Pendant longtemps, chacun y trouvait son compte: les policiers fermaient les yeux, les clients payaient un prix abordable et Gloria en tirait un bénéfice substantiel. Mais l'arrivée de la Fifa au Brésil a étouffé ce petit commerce. La Fédération internationale de football a exercé une forte pression sur les autorités pour qu'elles lancent une campagne drastique contre la contrefaçon. Le Brésil a ainsi voté une Loi générale de la Coupe du monde établissant notamment de sévères peines de prison et amendes pour les atteintes aux règlements des licences officielles. Pourtant, le maillot du Brésil fabriqué par Nike n'est pas lié à la licence Fifa, associée à son grand concurrent Adidas. Mais les coups de filet anticontrefaçon n'ont pas fait de distinction. Arrêtée deux fois, puis finalement condamnée à un an de travaux d'intérêt général, Gloria a décidé de faire place nette dans sa boutique et d'y bannir le "Made in China". Aujourd'hui elle ne propose plus que des produits fabriqués localement qui diffèrent suffisamment de ceux des marques officielles pour passer entre les mailles du filet. Mais Gloria déplore leur mauvaise qualité, assurant que les clients ne s'y trompent pas. "Quand les Chinois fabriquent des faux, c'est exactement la même chose", soupire-t-elle. "Vous pouvez l'observer sous toutes les coutures, le comparer avec le vrai, il n'y a aucune différence. C'est la perfection." Non loin de là, le discours de Mateus Vargas, 45 ans, est identique. "Je sais que c'est dangereux, tu peux aller en prison. Mais que veux-tu que je fasse? Je dois travailler", plaide ce commerçant à un journaliste de l'AFP. "La Fifa fait la pluie et le beau temps. Ils disent qu'ils sont les seuls à pouvoir faire des bénéfices". Mateus se dit contraint de contrevenir à la loi car il n'a pas le choix. S'il ne vend pas de contrefaçon, les concurrents s'arrogeront tous les profits, assure-t-il. "Quand la police débarque, tout le monde ferme le rideau et part en courant", raconte le commerçant. Résultat, certains ne sont jamais revenus. A proximité, un vendeur à la sauvette propose des répliques contrefaites sur un étal de fortune. Il garde un oeil méfiant sur ses clients. Lorsqu'on lui demande le prix du maillot de Neymar, il répond rudement "50 reais!", soit environ 16 euros. A la question suivante, portant sur l'authenticité du maillot, il rabroue le journaliste: "Hey vous êtes quoi? Journaliste? Je ne veux pas voir de journaliste ici, dégage!" Un peu plus loin dans les coursives du Saara, plusieurs petits vendeurs vendent des accessoires de supporters: fanions, drapeaux, trompettes, chapeaux, perruques, toute la gamme vert et jaune. D'une manière générale, ceux qui se plient au règlement avouent qu'ils peinent à s'en sortir. Maria Farias a reçu le livret "Produits officiels sous licence" des mains d'un agent de la Fifa. Dans son petit magasin de tee-shirts, elle assure respecter strictement ses instructions. Mais son petit commerce est en berne. "Les gens n'ont pas d'argent. Les temps sont durs", affirme cette femme de 55 ans. "Pour nous, la Coupe du monde n'a toujours pas commencé". jhb/ag/pal/fbx NIKE ADIDAS