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Mondial-2014: les insultes contre Rousseff choquent au Brésil (PAPIER D'ANGLE) Par Yana MARULL Brasilia, 14 juin 2014 (AFP) - Les violentes insultes lancées des tribunes contre la présidente Dilma Rousseff jeudi soir à l'ouverture du Mondial ont eu un écho retentissant au Brésil, où les experts craignent une radicalisation du débat politique à quatre mois de la présidentielle.
"Je ne vais pas me laisser intimider par des insultes qui ne devraient pas être entendues par les enfants et les familles", a répondu la présidente brésilienne au lendemain des grossièretés scandées par des spectateurs à Sao Paulo lors du match d'ouverture du Mondial-2014. Peu avant le coup d'envoi de la rencontre à l'Arena Corinthians jeudi soir, des milliers de spectateurs avaient crié en coeur "Dilma, va te faire ..." en direction de la présidente brésilienne, assise dans l'enceinte en compagnie de douze chefs d'Etat étrangers. Ces insultes, inédites dans leur virulence, ont été largement commentées par les analystes sportifs et politiques, ainsi que sur les réseaux sociaux. Une bonne partie des commentateurs ont pointé du doigt la violence et la vulgarité de ces attaques, alertant sur la possible radicalisation d'une partie de la population à l'approche de la présidentielle d'octobre, lors de laquelle Rousseff briguera la réélection. "Ces insultes outrageantes constituent un manque de respect qui illustre une régression et une radicalisation du débat public au Brésil", affirme l'éditorialiste de la radio CBN Kennedy Alencar. Jeudi soir, Mme Rousseff avait pourtant pris soin d'entrer discrètement dans le stade pour s'installer aux côtés du décrié président de la Fifa Joseph Blatter. Et le duo s'est prudemment abstenu de discours, pour éviter une réédition des huées reçues lors du match d'ouverture de la Coupe des confédérations l'année dernière. En juin 2013, les Brésiliens s'étaient soulevés lors d'une vague de protestation sociale historique, alimentée par le scandale des milliards de fonds publics engloutis dans la construction des stades au détriment des secteurs de la santé, de l'éducation et des transports. "Ces insultes (...) sont très mauvaises pour la démocratie. Ce scénario a débuté avec les manifestations populaires de l'année dernière et va se prolonger jusqu'aux élections", prédit à l'AFP André Cesar, de l'institut Prospectiva. "Le rejet des politiques est palpable dans les enquêtes. Je pense que si Aecio Neves et Eduardo Campos (les deux principaux candidats de l'opposition en octobre, ndlr) avaient été dans le stade, ils auraient aussi été sifflés: la classe politique doit se remettre en question et rétablir sa relation avec la société", analyse l'expert. L'ancien président Luiz Inacio Lula da Silva, qui avait décroché en 2007 l'attribution de la Coupe dans un Brésil triomphant, en plein boom économique, n'a pas assisté jeudi au match remporté (3-1) par le Brésil contre la Croatie. "En apportant la Coupe du monde au Brésil en 2007, le président Lula n'avait pas prévu que sept ans après, les choses pourraient être différentes. Il n'a pas tenu compte du fait que les Coupes du monde ne sont pas faites pour le peuple mais uniquement pour ceux qui peuvent payer cher une entrée dans des stades construits à prix d'or. Cette bombe a explosé dans les mains de son successeur", affirme le commentateur sportif Juca Kfouri. "Les insultes du stade sont parties de la classe moyenne haute, la plus critique envers le gouvernement du Parti des Travailleurs (PT-gauche) de Rousseff", qui a pourtant sorti 40 millions de Brésiliens de la misère au cours des dix dernières années, ajoute-t-il. Son principal adversaire pour la présidentielle Aecio Neves a estimé que la présidente "avait récolté ce qu'elle a semé au cours des dernières années" pour avoir "gouverné avec une énorme arrogance et le dos tourné à la société". Mme Rousseff demeure pourtant favorite dans les sondages en vue du premier tour de la présidentielle le 5 octobre, même si elle a chuté de 40% à 38% le mois dernier. Aecio Neves est quand à lui crédité de 22% des intentions de vote, contre 13% à Eduardo Campos. ym/ag-cdo/fbx