France: Burkini: plusieurs maires maintiennent l'interdiction

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FranceBurkini: plusieurs maires maintiennent l'interdiction

Certaines mairies refusent de prendre un compte la décision du Conseil d'Etat et annoncent maintenir leurs arrêtés.

Le débat sur l'interdiction du burkini dans lequel se sont engouffré les politiques français indigne jusqu'à l'étranger. Ici, une manifestation devant l'ambassade de France à Londres. (jeudi 25 août 2016)

Le débat sur l'interdiction du burkini dans lequel se sont engouffré les politiques français indigne jusqu'à l'étranger. Ici, une manifestation devant l'ambassade de France à Londres. (jeudi 25 août 2016)

Keystone

La justice française a donné vendredi un coup d'arrêt à l'interdiction du burkini sur les plages, au coeur d'une vive controverse. Le Conseil d'Etat a estimé que cette mesure prise par un maire constituait une «atteinte grave aux libertés», en l'absence de «risques avérés» pour l'ordre public.

«En l'absence de tels risques, l'émotion et les inquiétudes résultant des attentats terroristes, et notamment celui commis à Nice le 14 juillet dernier (86 morts, Ndlr.), ne sauraient suffire à justifier légalement la mesure d'interdiction» décidée à Villeneuve-Loubet (sud-est), a souligné le Conseil d'Etat dans son ordonnance.

«L'arrêté litigieux a porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d'aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle», poursuit-il. La justice avait été saisie en urgence par la Ligue des droits de l'homme (LDH) et le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), qui jugeaient ce type d'arrêté «liberticide».

Cette décision de dernier recours de la plus haute juridiction administrative française a été saluée par les représentants du culte musulman en France. Elle fera autorité pour toute la France où une trentaine de communes ont pris une décision similaire.

«Décision de bon sens»

Plusieurs dizaines de maires, la plupart membres du parti Les Républicains, ont pris depuis fin juillet ce type d'arrêtés au nom de risques de troubles à l'ordre public. Le débat autour du bannissement de cette tenue de bain couvrante portée par certaines musulmanes a suscité d'intenses polémiques en France et à l'étranger, où l'interdiction avait particulièrement choqué.

Le Conseil d'Etat a rappelé vendredi à tous les maires qui avaient fondé leur décision sur le principe de laïcité qu'ils ne pouvaient invoquer «d'autres considérations» que l'ordre public, «le bon accès au rivage, la sécurité de la baignade ainsi que l'hygiène et la décence» pour interdire l'accès aux plages.

C'est une «décision de bon sens», une «victoire du droit, de la sagesse», s'est réjoui vendredi Abdallah Zekri, le secrétaire général du Conseil français du culte musulman (CFCM), l'instance représentative des musulmans de France. Cela «va permettre de décrisper la situation, qui était marquée par une tension très forte parmi nos compatriotes musulmans, notamment chez les femmes».

Cette décision «aura vocation à faire jurisprudence», s'est félicité Me Patrice Spinosi, avocat de la Ligue des droits de l'homme, qui avait saisi la plus haute juridiction administrative. «Oui, il y a une atteinte disproportionnée à la liberté des religions et le maire n'avait pas le pouvoir de restreindre cette liberté», a-t-il ajouté.

Certains maires résistent

En début de soirée, plusieurs maires du sud-est de la France, dont ceux de Nice et Fréjus, ont annoncé maintenir leurs arrêtés anti-burkini. La mairie de Nice «va continuer à verbaliser» les femmes portant cette tenue de bain couvrante, tant que son arrêté n'est pas invalidé, a-t-elle déclaré.

Le maire d'extrême droite de Fréjus a quant à lui jugé son arrêté «toujours valable». Et l'édile socialiste de Sisco (Haute-Corse) a aussi exclu de retirer son arrêté anti-burkini.

Projet de loi à droite

Dans un pays qui s'enflamme régulièrement sur la place de l'islam et à dix mois de la présidentielle, la classe politique française s'était engouffrée dans le débat. L'ex-président français Nicolas Sarkozy, candidat aux primaires de la droite, a qualifié le burkini de «provocation», et proposé de prohiber aussi les signes religieux dans les entreprises, les administrations, les universités.

Le parti d'extrême droite Front national a dans la foulée demandé d'étendre à l'ensemble de l'espace public l'interdiction du port du voile. La question a divisé jusqu'au sein du gouvernement dont deux ministres ont condamné les décisions des maires, à contre-courant de la position du chef du Premier ministre Manuel Valls qui les soutenait au nom de l'ordre public.

S'exprimant jeudi pour la première fois sur le sujet, le président François Hollande était resté prudent. Il a appelé à ne céder ni à la «provocation» ni à la «stigmatisation». Il a mis en avant le «grand enjeu» de «la vie en commun» dans le pays qui compte la plus importante communauté musulmane d'Europe.

Les Républicains déposeront dès la rentrée parlementaire une proposition de loi visant à «sécuriser» les décisions des maires qui ont pris des arrêtés anti-burkini, a annoncé un porte-parole de la formation de droite.

(ATS)

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