Physique«C'est une année très excitante»
Le CERN met les bouchées doubles dès aujourd'hui. Le laboratoire genevois va enfin savoir si la fameuse particule de Higgs existe.
- par
- Sandra Imsand

Patrick Fassnacht sait que 2012 sera l'année du boson de Higgs. Il travaille sur le détecteur «ATLAS» (grande photo), qui traque la particule.
«On a un soupçon de signal, on sent bien quelque chose, mais il faut encore le confirmer», explique Patrick Fassnacht. Le physicien français travaille depuis douze ans sur «ATLAS», une des deux expériences du CERN qui traquent le fameux boson de Higgs. D'ici à la fin de l'année, l'organisation européenne pour la recherche nucléaire veut avoir une réponse claire et définitive sur l'existence ou non de cette particule. Et grâce aux efforts redoublés depuis ce matin – les collisions de particules reprennent à une cadence très soutenue dans le grand collisionneur de hadrons (LHC) après un arrêt technique d'une semaine – certains chercheurs caressent même l'espoir de pouvoir déjà faire des annonces tonitruantes lors des grandes conférences estivales de physique.
«Pas le droit de nous emballer» La cause de toute cette agitation? Un petit «pic» repéré lors de collisions de particules en fin d'année passée. «Nos recherches nous ont permis d'exclure une très large plage de masses potentiellement possibles pour ce boson de Higgs, mais il y a un petit quelque chose aux alentours de 125 GeV (ndlr: giga-électronvolt, soit un milliard d'électronvolts), soit environ 125?fois la masse du proton. Tous les efforts seront mis là-dessus cette année», explique Patrick Fassnacht.
C'est dire si les physiciens engagés dans ces recherches de l'infinitésimalement petit à Meyrin (GE) vivent une période particulièrement passionnante. «Aujourd'hui, nous avons la chance de vivre une situation très excitante», explique Patrick Fassnacht. Néanmoins, il s'agit de rester calme: «Le gâteau peut aussi très vite retomber; nous n'avons pas le droit de nous emballer.»
Des rumeurs circulent Peu de recherches scientifiques ont suscité autant d'intérêt, de la part du public et des médias, que la traque au boson de Higgs, nommé d'après le Britannique Peter Higgs, qui avait postulé sa présence dans les années 1960. C'est cette minuscule entité qui aurait doté certaines particules de masse et qui aurait permis la formation de la vie au moment du big bang. Son existence n'a jusqu'ici jamais pu être démontrée. «Cela fait tellement longtemps qu'on cherche ce boson que certains scientifiques en ont fait une croyance», explique Stéphanie Beauceron. La physicienne est pourtant horrifiée par le terme «particule de Dieu», utilisé parfois comme synonyme du boson de Higgs. «Il s'agit selon moi d'une mauvaise traduction du terme anglais god particle, explique la Française. Je trouve plus approprié de parler de «divine particule», il n'est pas pertinent de faire entrer la religion dans ces recherches.»
Stéphanie Beauceron travaille depuis 2004 sur «CMS», l'autre expérience du CERN qui cherche activement cette particule. «Il faut que les découvertes soient validées par les deux équipes de chercheurs pour vérifier que les résultats sont exacts.» Pourtant, chacune des deux expériences espère pouvoir être la première à annoncer la découverte. Une «guéguerre» interne qui peut parfois mener à des situations cocasses. «L'an passé, un bruit a circulé selon quoi l'expérience «ATLAS» avait découvert quelque chose, explique Stéphanie Beauceron. Par conséquent, nous avons commencé à travailler comme des fous dans nos recherches. Les physiciens d'«ATLAS», voyant cela, ont du coup eux aussi mis les bouchées doubles. Tout ça pour une rumeur…»
Quel que soit le dénouement des recherches, que le boson de Higgs soit officiellement découvert ou que les recherches concluent finalement qu'il n'existe pas, le LHC fermera ses portes à la fin de l'année pour une période de 20?mois au moins afin de subir des réparations et des améliorations qui lui permettront d'être encore plus performant.