Santé«Ça fait plaisir de revoir sa jambe»
Le CHUV teste des lunettes virtuelles permettant de simuler un membre manquant pour lutter contre les douleurs fantômes.
- par
- Fabien Feissli
La jambe gauche se lève et la droite l'imite. C'est en tout cas l'impression qu'a Michel Larrivé. Car ce Vaudois de 64 ans n'a plus de jambe droite depuis deux ans. Il a été amputé suite à un diabète mal soigné qui a viré à la gangrène. «Ça fait toujours plaisir de revoir sa jambe. D'ailleurs, il faut faire attention à ne pas se lever parce qu'on y croit vraiment», sourit-il.
Ce petit bonheur, Michel Larrivé le doit aux lunettes de réalité augmentée (lire ci-dessous) développées depuis trois ans par la Haute Ecole d'ingénierie de Fribourg et la Haute Ecole Arc à Neuchâtel. Le CHUV, qui s'intéresse au projet depuis plusieurs mois, a effectué les premiers tests avec des patients en février. Aujourd'hui, la thérapie existante utilise des miroirs pour simuler le membre manquant. «Ces petits exercices permettent de jouer sur certaines aires cérébrales pour diminuer les douleurs fantômes», explique Simon Laroche, ergothérapeute au CHUV, qui suit le projet depuis un an et demi. Des douleurs fantômes causées par une désorganisation corticale. «Les nerfs qui ont été coupés représentent toujours la jambe dans le cerveau», détaille-t-il.
Des patients convaincus
«Les exercices avec un miroir restent limités. Le but, c'est d'utiliser la réalité augmentée pour améliorer l'immersion», souligne Francesco Carrino, chercheur pour l'institut HumanTech de la Haute Ecole d'ingénierie de Fribourg. Encore faudra-t-il prouver que cela représente un véritable atout du point de vue thérapeutique. «Pour le moment, les remarques des patients sont plutôt positives, l'un d'eux nous a dit qu'il y avait une sacrée différence par rapport aux miroirs», précise Francesco Carrino.
Mais il reste encore des points à améliorer. «Certains trouvent les lunettes trop lourdes ou fatigantes pour les yeux. Ce sont des détails techniques importants», explique le chercheur. Dans six mois, il devrait être en mesure de proposer une nouvelle version. Simon Laroche pointe aussi quelques éléments à améliorer. «Il faudrait que la mise en place du matériel ne nous prenne pas trop de temps et que les mouvements des membres soient plus fluides», détaille-t-il. Pour autant, il est agréablement surpris par les lunettes de réalité augmentée. «Nous, on pensait que c'était moins réaliste que le miroir, mais les patients pensent le contraire. Pour eux, c'est plus naturel, ils ont moins à se concentrer», assure-t-il. Autre point positif selon lui, la possibilité d'avoir une interaction avec un objet virtuel. Autant d'éléments qui favorisent la lutte contre les douleurs fantômes.
«Aider beaucoup de monde»
Michel Larrivé, lui, ne souffre pas de douleurs fantômes. Il a seulement parfois envie de gratter un mollet qui n'est plus là. S'il participe aux tests, c'est parce que le CHUV a préféré commencer avec des patients qui se portent bien. Le Vaudois n'a pas hésité à se porter volontaire. «J'aime bien les nouvelles technologies. Et si on peut aider à faire avancer les choses…» Pour lui, aucun doute, le projet est très intéressant. «Quand ils auront fait les améliorations techniques, cela pourra aider beaucoup de monde», assure-t-il avant de remarquer: «J'ai quand même une jambe vachement plus bronzée que l'autre!»