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SantéCertains paraplégiques marchent à nouveau

Accidentée en 2006, la freerideuse Karina Hollekim a rechaussé des skis.

Elisabeth Gordon
en collaboration avec www.planetesante.ch
par
Elisabeth Gordon
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Dans son malheur, l'ex-freerideuse Karina Hollekim a finalement eu de la chance. Alors que les médecins pensaient qu'elle ne remarcherait plus après son accident de parachute, en 2006, elle a pu remonter sur des skis car son cerveau et sa moelle épinière ont été épargnés.

Il est en revanche beaucoup plus difficile de remarcher quand on est touché par la paraplégie proprement dite, car le câblage nerveux qui permet au cerveau de transmettre les informations aux neurones moteurs de la moelle épinière est rompu. Il en résulte une paralysie des membres inférieurs et de la partie basse du tronc.

La sévérité de l'atteinte  et les chances de récupérer de la mobilité dépendent de l'emplacement de la lésion. «Si elle est située dans la partie basse du dos, les jambes et le tronc sont paralysés. Si elle est placée au-dessous des vertèbres cervicales, les bras et les mains peuvent aussi être affectés», explique Stephanie Clarke, chef de service de neuropsychologie et neuroréhabilitation au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et présidente de la Fédération mondiale de neuroréhabilitation. La situation est différente si l'ensemble des fibres de la moelle épinière est rompu ou si n'est touchée qu'une partie d'entre elles. Dans ce dernier cas, poursuit le médecin, «même si le nombre de fibres préservées est faible, l'évolution peut être favorable et aboutir à une certaine récupération».

Les espoirs de la robotique

Après l'accident, les neurochirurgiens et les orthopédistes doivent donc poser un diagnostic qui leur permet de préciser le stade et la sévérité de la rupture. Ils peuvent alors, note Stephanie Clarke, «prédire dans une certaine mesure le devenir de leurs patients». Dans la phase aiguë, celle qui suit l'accident, ces derniers sont pris en charge dans des centres spécialisés, tels ceux de la SUVA à Sion, de Nottwil près de Lucerne ou de Balgrist à Zurich. Ils y font l'objet de «traitements très techniques de rééducation qui visent à optimiser la récupération au niveau de la moelle épinière».

Ensuite, lors du stade chronique, la réhabilitation passe essentiellement par de la physiothérapie. Mais elle fait aussi appel à de l'ergothérapie «qui permet d'optimiser les dispositifs d'aide – par exemple d'ajuster les chaises roulantes». Sans oublier la neuro-urologie car, les nerfs contrôlant les sphincters et la vessie étant souvent atteints, un grand nombre de paraplégiques souffrent d'incontinence. A l'issue de ces prises en charge, certains pourront se tenir debout, d'autres marcher dans leur maison, d'autres encore faires quelques pas dehors. L'objectif reste en effet d'améliorer leur qualité de vie et leur indépendance et «d'éviter que leur situation se dégrade», précise le médecin du CHUV. Pour l'avenir, les spécialistes de la neuroréhabilitation placent beaucoup d'espoir dans les robots. Certains, comme le Lokomat, sont déjà utilisés dans les centres de rééducation. Il s'agit de placer, sur les jambes des patients, des orthèses qui mobilisent et stimulent les fibres médullaires situées au-dessous de la lésion et qui entraînent ainsi les mouvements automatiques des muscles des membres inférieurs. De cette manière, le dispositif «permet aux patients d'éviter des erreurs dans leurs mouvements», précise Stephanie Clarke.

Essais cliniques concluants

On pourrait toutefois faire beaucoup plus si les promesses des travaux menés au Centre de neuroprothèses de l'EPFL se concrétisent. Grégoire Courtine et ses collègues ont en effet réussi à refaire marcher des rats paraplégiques et même à favoriser la repousse de fibres nerveuses dans leur moelle épinière et leur cerveau.

Une tout autre piste explorée est celle suivie depuis une vingtaine d'années par Martin Schwab, président du Centre de neurosciences à Zurich. Dans l'enveloppe des fibres nerveuses de la moelle épinière et du cerveau, le chercheur et ses collègues ont en effet découvert qu'il existait une protéine qui empêche normalement la croissance des nerfs. Ils l'ont appelée «Nogo» (que l'on pourrait traduire par «ne fonctionne pas»). Les scientifiques zurichois ont alors élaboré une substance «anti-Nogo» qui bloque ce frein et permet ainsi aux nerfs de se régénérer. «Les tout premiers essais cliniques offrent des résultats concluants», commente Stephanie Clarke. Ils montrent aussi que, contrairement à ce que l'on a cru pendant longtemps, les lésions de la moelle épinière ne sont pas forcément irréversibles. C'est une très bonne nouvelle, qui laisse poindre à l'horizon des retombées cliniques.

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