CommentaireCet argent de la FIFA qui brûle les doigts
La polémique autour des prêts de la fédération est si représentative des contradictions en Suisse entre les questions éthiques et la realpolitik.
- par
- Eric Felley

Le Valaisan Gianni Infantino est à la tête de la FIFA depuis 2016.
C’est une discussion récurrente au Parlement fédéral. La gauche a attaqué maintes fois et sans succès le statut fiscal de la FIFA, qu’elle juge trop avantageux en regard de ses activités juteuses. En tant qu’association, elle paie l’impôt fédéral direct au taux de 4,25%, un impôt cantonal simple de 4% dans le canton de Zurich et 12% sur son bénéfice en ville de Zurich. À fin 2021, la FIFA avait pour 5,5 milliards de dollars d’actifs, dont 1,6 milliard de réserves.
Avec l’imposition de ses collaborateurs, on peut estimer entre 20 et 30 millions de francs l’argent que la FIFA verse chaque année aux collectivités publiques. Personne ne songerait à refuser cet argent parce qu’il vient de la FIFA ou qu’il serait «sale». Cependant, quand les collectivités publiques empruntent de l’argent à cette même FIFA pour gérer leur trésorerie, cette façon de faire secoue les consciences.
Perception de la FIFA dans l’opinion
Quand la FIFA paie des impôts. c’est normal, mais quand elle fait la banque pour les collectivités publiques, c’est en effet plus étrange. Dès 2016, certaines villes comme Lausanne ou Genève ont sauté sur l’argent proposé par la FIFA pour disposer à court terme de liquidités sans intérêt dans le souci d’être le plus économe possible. Personne n’y a trouvé à redire, car personne ne le savait. Puis l’organisation de la Coupe du monde au Qatar a passablement changé la perception de la FIFA dans l’opinion publique.
Les esprits s’échauffent
C’est pourquoi la quasi-totalité des villes en Suisse romande, et pas seulement les villes de gauche, ont renoncé à organiser des fans zone l’année dernière. Pendant ce temps, le financement de certaines administrations ne s’est pas modifié en fonction de l’évolution de l’opinion. Une fois ces pratiques révélées, les esprits s’échauffent autour la contradiction qu’il y a à accepter l’argent de la FIFA sur le marché, tout en dénonçant son comportement. Du coup, les principales villes concernées n’emprunteront plus cet argent maudit, taché par le sang des ouvriers décédés sur les chantiers du Qatar.
L’image de la FIFA
Cette affaire est surtout révélatrice de l’image fragile de cette institution internationale de prestige pour la Suisse. LA FIFA n’a jamais été aussi riche et en même temps aussi critiquée. Ce n’est pas son actuel président, Gianni Infantino depuis 2016, qui réussit à redorer son blason. Au Qatar, on se souvient de son étonnant discours: «Aujourd’hui je me sens arabe, aujourd’hui, je me sens africain, aujourd’hui, je me sens gay, aujourd’hui, je me sens handicapé, aujourd’hui, je me sens un travailleur migrant…» Un discours, dont la gauche n’aurait pas à rougir, mais qui n’a pas convaincu grand monde au milieu de tout ce faste princier.