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FootballChagaev m'a dit: «Monte mon équipe»

Cet été, l'agent de joueurs Paulo Tavares a façonné le «Xamax de Chagaev». Il livre sa version du désastre.

Paulo Tavares (Gestisoccer), agent de joueurs, était en affaire avec Xamax

Paulo Tavares (Gestisoccer), agent de joueurs, était en affaire avec Xamax

Michel Perret

En quatre mois de collaboration avec Bulat Chagaev, Paulo Tavares est passé par tous les états d'âme. D'abord séduit par la bonhomie et l'entregent de l'homme d'affaires, cet agent de joueurs coté en Europe se dépense sans compter dans les coulisses du «nouveau Xamax». Si le mois de mai charrie son lot de réjouissances, l'été ne sera qu'excès, doutes et promesses en l'air. Récit des origines du désastre.

ALL STARS GAME À GROZNY Il amène Maradona and Co. en Tchétchénie pour 2 millions

«Alors vice-président du Terek Grozny, Bulat Chagaev souhaitait un match de gala pour inaugurer le nouveau stade et offrir un cadeau d'anniversaire à Ramzan Kadyrov. Il a pris contact avec moi via Andrei Rudakov, que je connais depuis dix ans. On tombe d'accord sur le fait que ma société organise le match contre 2 millions d'euros. Soit une très belle somme, mais avec un risque énorme sous la forme d'une pénalité de 1,5 million si des joueurs promis ne se présentent pas. L'affaire est une réussite. Barthez ou Baresi passent par Genève, ils rencontrent Chagaev. Le 11 mai, tous sont à Grozny avec Maradona pour le match de gala.

A cet instant, je me dis qu'il s'agit d'une opportunité immense pour ma société. Ce d'autant plus que nous encaissons 70% de la somme d'une traite et en avance, soit 1,35 million d'euros. Dans la foulée, Bulat Chagaev nous parle de NE Xamax et nous demande d'enchaîner le 12 mai avec l'ouverture d'un match à la Maladière. Une envie qui ne se matérialise finalement pas, car Maradona et les autres joueurs ne sont pas avertis à temps.»

DIRECTEUR SPORTIF DE XAMAX Il s'occupe de reconstruire le nouveau NE Xamax

«Bulat Chagaev m'apparaît alors comme quelqu'un de très agréable. D'un coup, il me dit: «Vous allez me monter mon équipe.» J'accepte et vends nos services pour 800?000?euros dans l'espoir d'en obtenir 600?000, mais Bulat nous propose 1 million.>

Ma première cible est Sonny Anderson, car je suis convaincu qu'il deviendra un entraîneur star s'il possède un excellent adjoint à ses côtés. Malheureusement Bulat ne s'intéresse qu'aux paillettes et refuse de dépenser beaucoup pour un adjoint.

Ensuite, nous nous occupons des transferts de Bailly, de Sanchez et de Navarro. Il faut bien réaliser que j'arrive à sortir Sanchez du Barça sans aucune indemnité de transfert. Quant à Navarro, il touchait 1,5 million par an et j'arrive à le faire venir à Xamax sur gazon synthétique pour 800?000. A cet instant, nos cartes bleues grillent, car nous avançons les frais de toutes les négociations. Par exemple, je paie de ma poche la venue de Kanouté à Genève en lâchant 10?000?euros à l'Hôtel des Bergues. Le joueur voulait venir à Xamax, mais Bulat l'imaginait au Terek. Du coup, l'affaire capote et les deux hommes se promettent sur le Coran d'oublier. Idem pour David Trezeguet, qui réclamait 5 millions annuels. Bulat était d'accord mais uniquement au Terek, ce que Trezeguet finit par refuser.»

L'ÈRE SONNY ANDERSON Ephémère vice-président, il vit le dérapage de Bâle (24.7.2011)

«Début juillet, Bulat Chagaev nous offre un salaire de 3 millions pour gérer la première équipe ainsi que le poste de vice-président. J'accepte. Ce qui débouche sur un contrat signé au nom de Dagmara Trading et non de NE Xamax SA.

Malheureusement je me rends vite compte que le staff Anderson est incompétent. Ce sont des feignants qui sont venus en Suisse uniquement pour le pognon. Je vous donne un exemple: l'après-midi du match à Bâle, je prends Sonny à part pour lui dire qu'il y a un gamin qui rentre de l'Euro M21 et qui va leur mettre la misère. A ma grande surprise, il ne connaissait même pas Xherdan Shaqiri.

?Ce match de Bâle constitue une cassure. Ce qui se passe dans le vestiaire est un véritable scandale. Le capitaine Stéphane Besle doit se rendre devant les journalistes parce que Bulat vire le staff et menace gravement des joueurs comme Bynia et Carlaõ. Devant ce dérapage, on décide d'arrêter notre collaboration dès le lundi suivant. Cela permettra à Luis Pereira de reprendre la main et de proposer rapidement Joaquin Caparros à Bulat Chagaev.»

LE DOUTE S'INSTALLE Il dépanne encore le club sans toucher le moindre centime

«Au moment où on se retire, Bulat Chagaev ne nous a pas versé un seul centime depuis début mai. Et je dois bien avouer que nous commençons à serrer les fesses parce que les dépenses s'accumulent. Je précise également que, même après le match de Bâle, nous avons continué à aider NE Xamax.

Prenez par exemple Federico Almerares. Le pauvre garçon pleurait en nous suppliant de le libérer de son contrat. Je lui ai trouvé une solution à Belgrano, où il a depuis retrouvé la joie de jouer. Ou encore lorsqu'il a fallu qualifier le plus rapidement possible Haris Seferovic car le club avait besoin de renforts suisses, j'ai mis 10?000?euros de ma poche pour faire passer le transfert dans le système rapidement. C'est vite vu, sans nous, NE Xamax n'aurait pas pu lancer son championnat puisque tout le monde était viré.

Alors, évidemment, on a réclamé notre argent. Nous avons donc négocié un versement d'un million pour solde de tout compte. Parfois il vaut mieux un bon arrangement qu'un mauvais procès. Le deal était le suivant: 500?000?euros versés le 10 août et la même somme le 31. Dans notre tête, c'est le minimum pour les mois de travail au service de Bulat Chagaev. Il ne faut pas oublier que notre investissement fut énorme. En temps mais aussi en argent car on a tout payé, des factures de la Ligue jusqu'aux billets d'avion.»

SON REGARD SUR L'ACTUALITÉ Devant les vaines promesses, il veut poursuivre Dagmara Trading

«Nous sommes allés à Grozny avec un ami journaliste et le nom de Bulat Chagaev semble être devenu tabou. Je ne suis pas devin, mais il semble que Bulat Chagaev ait commis une erreur au début de l'été. Quelque chose qui l'a définitivement coupé de ses relations en Tchétchénie.?Pour ce qui est de notre argent, j'ai entendu pendant des mois la même rengaine: «Tu vas être payé, mes comptes sont bloqués.» Au mois d'octobre dans son bureau genevois, Bulat m'a même déclaré: «Je vais voler, je vais tuer s'il le faut, mais tu vas toucher ton argent, mon frère.»

Puis le ton a changé en décembre lorsqu'il a répondu à un de mes e-mails avec dédain en déclarant: «Tu n'as rien à exiger. Je te paierai si j'en ai envie et quand j'aurai réglé les autres affaires qui m'occupent.» Du coup, aujourd'hui, je décide de rendre publique ma relation de travail avec Bulat Chagaev. Parce que je n'en peux plus et parce que j'ai décidé d'engager une procédure en poursuites contre Dagmara Trading.»

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