Amérique du SudChili: le bilan des émeutes s'élève à 15 morts
Face à la détermination des manifestants réprimés dans le sang, le président chilien a changé de ton. Il veut dialoguer avec les partis politiques.
Le Chili plonge dans la violence.
Le président chilien Sebastian Piñera tentait mardi d'éteindre une contestation sociale toujours vive au Chili, où elle a déjà fait quinze morts, en cherchant à réunir toutes les forces politiques pour trouver un accord de sortie de crise, mais le principal parti de l'opposition lui a refusé son soutien.
Face à la grave crise qui secoue son pays depuis cinq jours, le chef de l'Etat conservateur avait annoncé lundi soir, dans un message à la nation, cette rencontre avec l'ensemble des formations politiques. Toutefois, avant même le début de la réunion, le Parti socialiste (PS), le parti d'opposition le plus important, au pouvoir à trois reprises depuis la fin de la dictature en 1990, a annoncé qu'il ne participerait pas aux discussions organisées au palais présidentiel de La Moneda.
«Nous pensons que le dialogue est indispensable et urgent, mais cela doit être un dialogue ouvert et nous pensons que l'appel du président ne remplit pas ces conditions», a déclaré le chef du groupe PS au Parlement, Manuel Monsalve. «Le Chili ce n'est pas seulement les partis d'opposition, le Chili c'est aussi le monde social qui ne peut pas être exclu d'un pacte social», a-t-il ajouté. D'autres partis du Frente Amplio (Front large, gauche) et de la gauche radicale, représentée depuis 2017 au Parlement, ont également refusé de se joindre aux pourparlers.
«Le Chili s'est réveillé !»
«Le président a écouté avec beaucoup d'attention les différentes propositions et va prochainement s'adresser au pays pour proposer un programme social», a déclaré le ministre de l'Intérieur Andrés Chadwick, à l'issue de la réunion, à laquelle ont participé des partis d'opposition de centre gauche.
Le bilan des morts dans des violences, des incendies et des pillages est monté à quinze mardi. Selon le parquet, quatre personnes ont été tuées par des tirs des forces de l'ordre et onze sont mortes dans des incendies et des pillages, principalement de centres commerciaux. Selon les autorités, 239 civils ont été blessés, ainsi qu'une cinquantaine de policiers et de militaires, et 2643 personnes arrêtées.
Lundi soir, l'Institut national des droits humains (INDH), un organisme public indépendant, a souligné que parmi les blessés, 84 l'avaient été par armes à feu. Alors que les manifestations se poursuivaient mardi, avec des milliers de contestataires rassemblés dans plusieurs endroits de la capitale, les quelque 7,5 millions d'habitants de Santiago vont passer une quatrième nuit sous couvre-feu. «Le Chili s'est réveillé !», scandaient des manifestants en tapant sur des casseroles en passant devant le palais présidentiel.
Nouvelles manifestations
Près de 20'000 policiers et soldats sont toujours déployés sur le territoire chilien où l'état d'urgence est en vigueur dans la capitale et neuf des 16 régions. C'est la première fois que des militaires patrouillent dans les rues depuis la fin de la dictature du général Augusto Pinochet (1973-1990).
La Centrale unitaire de travailleurs (CUT), la plus grande confédération syndicale du pays, et 18 autres organisations ont appelé à des grèves et des manifestations mercredi et jeudi à Santiago. Les syndicats de la santé publique ont également annoncé pour cette semaine une grève et des actions de protestation devant le ministère de la Santé.
Les manifestations ont débuté vendredi pour dénoncer une hausse du prix du ticket de métro. La mesure a ensuite été suspendue par le chef de l'Etat mais les émeutes se sont poursuivies, nourries par la colère face à la situation socio-économique et aux inégalités. Dans ce pays de 18 millions d'habitants loué pour sa stabilité économique et politique, l'accès à la santé et à l'éducation relève presque uniquement du secteur privé.
Revendications multiples
«Ce qui se passe n'est pas lié à la hausse de 30 pesos du prix du métro, mais à la situation depuis trente ans. Il y a les retraites, les queues au dispensaire, les listes d'attente à l'hôpital, le prix des médicaments, les bas salaires», explique à l'AFP Orlando, 55 ans, allé lundi manifester à bicyclette.
Après d'importantes manifestations qui s'étaient déroulées globalement dans le calme lundi à Santiago, des incendies et des pillages se sont encore produits pendant la nuit. Mais de nombreux commerces, qui étaient restés fermés lundi, ont rouvert. De longues files d'attente étaient visibles aux arrêts d'autobus et devant les supermarchés, de nombreux Chiliens tentant de reprendre une activité normale.
Le métro qui transporte quotidiennement quelque trois millions de personnes restait fermé après le saccage de 78 stations et des dégâts évalués à plus de 300 millions de dollars. Une seule des sept lignes fonctionnait mardi et plus de 4000 bus ont été déployés pour faciliter le transport des habitants. Les cours ont également été suspendus dans la quasi-totalité des écoles et des universités de la capitale, mais les hôpitaux fonctionnent normalement.