Fracture: Christophe Darbellay: «On méprise les Romands»

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FractureChristophe Darbellay: «On méprise les Romands»

Alors qu'il entame sa dernière session, Christophe Darbellay, président du PDC, regrette une «germanisation» de la politique suisse où le style agressif zurichois l'emporte.

par
Eric Felley
Christophe Darbellay est l'un des deux ambassadeurs de la Suisse romande dans le paysage médiatique alémanique.

Christophe Darbellay est l'un des deux ambassadeurs de la Suisse romande dans le paysage médiatique alémanique.

Sebastien Anex

Entré au Conseil national en 2003, Christophe Darbellay a entamé cette semaine sa dernière session. En douze ans, dont neuf en tant que président du PDC suisse, il s'est imposé comme une figure incontournable de la Berne fédérale. Avec le président du PS, Christian Levrat, ils sont les deux ambassadeurs de la Suisse romande sur la scène médiatique alémanique. Le Valaisan livre ses impressions sur l'évolution négative de l'image des Romands outre-Sarine.

Comment expliquez-vous cette «germanisation» de la vie politique suisse, dont les Romands font les frais?

C'est venu peu à peu avec la montée de l'UDC et son style à la zurichoise. Puis, il y a trois ans, le numéro de la Weltwoche, qui comparait les Romands aux Grecs de la Suisse, a laissé des traces. En gros, nous sommes des «Schlendrian», un mot difficilement traduisible, qui veut dire quelque chose comme «feignasse», quelqu'un qui se laisse aller. Ensuite, la NZZ s'y est mise aussi. Elle a repris le même ton pour les Valaisans assimilés aux Kosovars. Si même la NZZ se met à ce genre d'appréciation, tout le monde peut se lâcher ensuite.

Avez-vous ressenti cela aussi au Parlement?

On ressent moins cette tendance au Palais fédéral. Mais dès qu'on est devant les caméras, on est confronté à ce style très agressif. On lit ensuite les réactions dans les réseaux sociaux et sur les sites Internet des journaux. Là, il n'y a plus de limites dans les commentaires. C'est inquiétant, car on sait aussi que des agences de communication utilisent de plus en plus ces réseaux. Une forme de dédain ou de mépris s'est installée. Ce n'est pas contre moi personnellement, mais générique: les Romands. Je ne crois pas que, à l'inverse, les Romands ont une telle attitude envers les Alémaniques.

Constatez-vous des conséquences sur l'efficacité en général du travail parlementaire?

Il y a de moins en moins de volonté pour trouver des solutions et des consensus pour le pays. Pourtant nous ne sommes pas seulement là pour bander les muscles… Cela est dû à une surenchère dans la visibilité et le marketing politique. On sent aussi cette montée d'agressivité parmi les personnalités politiques qui veulent se démarquer et les médias qui veulent faire l'opinion plutôt qu'informer.

Par exemple?

On met en avant des gens comme Roger Köppel (ndlr: rédacteur en chef de la «Weltwoche») ou Christoph Mörgeli qui n'ont aussi aucune limite dans leur stratégie de dérapages systématiques. Comme ces gens-là sont adoubés par les médias et les journaux, cela libère tout le monde. Je suis très choqué quand j'entends des gens ordinaires dire finalement «Les réfugiés syriens, il faudrait tous les liquider», comme si c'était une opinion normale…

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