MaltraitanceCinq questions sur une crèche à la dérive?
Enfants humiliés, éducateurs brusqués: les griefs s'accumulent contre la directrice de la crèche Les Puzzles et son adjointe. Pour l'heure, l'Etat a pris le relais.
- par
- Ludovic Rocchi et Vincent Donzé

Daniel Zapelli sur la sellette depuis des mois a démissionné le 7 novembre 2011.
1. Que s'est-il vraiment passé à la crèche des Puzzles?
D'après la douzaine de témoins qui ont été entendus par l'avocate Valérie Schweingruber, à l'origine de la dénonciation aux autorités neuchâteloises, le climat de colère et de violence touchait aussi bien le personnel que les enfants (de 2?mois à 4?ans). La directrice et son adjointe sont visées dans cette affaire de la crèche des Puzzles, à Peseux, en banlieue de Neuchâtel. La première a fait savoir hier dans la presse neuchâteloise qu'elle ne ferait aucun commentaire. Idem pour la seconde, jointe hier par «Le Matin». Cris et brusqueries auraient été fréquents. Une fillette s'est fait scotcher la bouche. Un garçon a dû garder une demi-heure les mains sur la tête parce qu'il ne faisait pas la sieste. Un autre, qui avait fait pipi dans son pantalon, a été laissé nu pour le punir. Du côté du personnel, les tensions étaient telles qu'un tournus anormal s'était instauré, sans compter de fréquents congés maladie et un état de sous-effectif ajoutant au stress ambiant. La directrice et son adjointe auraient aussi eu des gestes violents envers des employés.
2. Pourquoi le personnel a réagi si tard?
Les dérapages se seraient étalés sur plusieurs années. «Une employée a parlé d'au moins sept ans», indique Valérie Schweingruber. Quand elle a reçu la douzaine d'employés passés et actuels de la crèche, elle dit avoir été frappée par le besoin de parler, après avoir tenté, pour certains, d'attirer l'attention sur des dysfonctionnements, et finir par démissionner. D'autres avaient peur pour leur place ou, pire, se liguaient avec les deux responsables. Seuls six témoins ont d'ailleurs accepté de signer la dénonciation. L'une d'elles a été licenciée le jour où la directrice a été suspendue, le 21 mars.
3. Les parents n'ont-ils rien remarqué?
Du côté des parents, les réactions semblent avoir été encore plus timides. Un père se serait par exemple inquiété de voir son enfant pleurer systématiquement en allant à la crèche. Mais ce n'est pas allé plus loin. D'autres parents ont signalé une mauvaise ambiance. Mais une plainte écrite sur un fait concret a fait défaut jusqu'au 8 mars dernier, date à laquelle le Service de protection de l'adulte et de la jeunesse (SPAJ) a reçu la dénonciation signée par six employés passés et actuels. Pour l'heure, aucun parent n'a porté plainte, mais certains y songent.
4. Les contrôles sont-ils efficaces?
Les contrôles ont été renforcés, annoncés ou inopinés. «A notre arrivée, le personnel peut vite remettre de l'ordre: pour un employé, nous représentons l'autorité qui peut supprimer son emploi», admet Christian Fellrath, chef du SPAJ. Les contrôles sont annuels dans les 80 crèches neuchâteloises. «Ils visent d'abord les finances et la gestion des ressources humaines, mais aussi la maltraitance psychologique, comme le bourrage de crâne. Quand ces déviances deviennent un mode opératoire, nous intervenons pour y remédier», précise Christian Fellrath. Fondée il y a 15?ans, la crèche Les Puzzles a progressivement doublé sa capacité, avec 34 enfants. Sa directrice était-elle débordée? Au SPAJ, elle n'était pas connue pour être la plus coopérative.
5. La crèche va-t-elle fermer?
Aucun enfant n'a été blessé, mais la révélation des maltraitances a déstabilisé les 50 parents qui paient 105?francs par jour. Une seule maman a annoncé vouloir retirer son enfant des Puzzles. «Les parents sont inquiets, mais nous agissons pour garantir l'accueil et la sécurité», note Christian Fellrath. Pour l'heure, deux collaboratrices du SPAJ – une éducatrice et une assistante sociale – supervisent le travail d'une vingtaine d'employés et stagiaires. Le sort de la directrice de cette crèche privée mais subventionnée dépendra d'une éventuelle inculpation pénale et du résultat de l'enquête administrative. «Nous ferons tout pour assurer une transition et non une fermeture de la crèche», indique Christian Fellrath.