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TennisComment croire à l'incroyable?

Stanislas Wawrinka atteint les huitièmes de finale avec une maîtrise rare. Il y retrouve Djokovic, son sentiment d'immunité. Il rejoue la pièce en espérant changer la fin.

De notre envoyé spécial à Melbourne - Christian Despont
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De notre envoyé spécial à Melbourne - Christian Despont
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Stanislas Wawrinka n'a pas perdu de sets, ni de temps. Jamais, peut-être, il n'a atteint les huitièmes de finale avec une maîtrise aussi sûre, dans la gestion de ses mouvements et de ses émotions. «Je suis très heureux de la manière dont j'ai battu Sam Querrey (7-6 7-5 6-4). Le court était rapide, traversé par un vent fort. Il y a eu une très haute intensité, du début à la fin. J'ai probablement réussi mon match le plus complet et abouti en termes de concentration.»

Stanislas Wawrinka a gagné trois matches, quelques certitudes, beaucoup d'assurance. Or le voilà réduit à éprouver cette confiance et, pis encore, une certaine faculté d'amnésie, face à un joueur qui lui a «mis des branlées mémorables», l'a battu onze fois, domine le circuit en monarque, et reste sur dix-sept victoires consécutives à l'Open d'Australie!

Nole est plus fort

Novak Djokovic semble jouir d'une immunité dont Stanislas Wawrinka ne veut pas, sans pour autant la dénier. «Depuis deux ans, peu de joueurs lui tiennent tête. Je ne suis pas stupide, Nole est plus fort que moi. Mais je considère comme un privilège, un challenge, d'affronter le meilleur joueur du monde et d'essayer de lui opposer mes qualités.»

Il y aura l'avant-match, celui du tunnel, où l'ovation de la foule résonne en écho à ses propres frémissements. Selon Wikipédia, un sentiment d'infériorité est «une réalité imaginaire, une dévalorisation de soi systématique […] où chaque échec appelle le suivant par le phénomène humain des prédictions qui se réalisent d'elles-mêmes, également valables pour la réussite qui appelle la réussite». En tennis, cette impuissance part d'une supériorité technique, pour tendre vers une domination tactique, et finir par une emprise psychologique. Chaque défaite appelle la suivante.

Un droit à l'oubli

Mais le tennis serait trop simple, et prodigieusement ennuyeux, s'il obéissait à des données rationnelles. Pour gagner, Stanislas Wawrinka devra croire à l'incroyable, revendiquer un droit à l'oubli, changer la perception qu'il a de Novak Djokovic, mais aussi de lui-même. «Oublier que c'est lui? Non. Inutile et impossible.» Il devra «entrer dans le rôle», celui de fou dangereux, d'empêcheur, de faiseur, quitte à céder à la tentation de l'imposture. «Je devrais surtout garder mon calme, essayer de trouver la faille, rester concentré.»

Il devra coller au score: comment vaincre un sentiment d'infériorité dès lors que la réalité le rend légitime? «Bien sûr que le meilleur moyen d'inquiéter Nole est de maintenir le suspense. Mais on ne choisit pas toujours…»

Au final, et comme il le sous-entend avec insistance, Stanislas Wawrinka devra rester lui-même, seulement lui-même, en prenant sa confiance pour ce qu'elle vaut et ses certitudes pour un acquis. Jouer avec conviction, rejouer la pièce en espérant changer la fin, sans perdre de temps. «Jamais je n'entre sur un court en pensant que je n'ai aucune chance. Jamais. Nole ou un autre, je peux gagner. Honnêtement, si je pensais l'inverse, j'aimerais autant prendre un avion et revoir ma famille au plus vite.»

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