Football: Commentaire: Bielsa aussi a le droit à la joie

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FootballCommentaire: Bielsa aussi a le droit à la joie

Souvent catalogué comme un perdant magnifique, l’entraîneur argentin a concrétisé ses idées en ramenant Leeds en Premier League. Sans dévier de sa méthode de toujours.

Brice Cheneval
par
Brice Cheneval
Depuis quelques heures, Marcelo Bielsa compile le titre, l’argent et l’émotion.

Depuis quelques heures, Marcelo Bielsa compile le titre, l’argent et l’émotion.

AFP

«Dans l’adversité, il y a deux options: abandonner son chemin et démontrer que les convictions sont seulement liées aux effets qu’elles produisent, ou renforcer sa force de conviction en pariant sur le fait que le chemin choisi est le bon.» Cette sortie, datée du temps où il entraînait l’OM (2014-2015), définit à merveille l’entraîneur Marcelo Bielsa. Ou, plus sûrement, dévoile un aspect d’une psychologie brillamment complexe.

Dans l’adversité, Bielsa a toujours choisi la deuxième option. Sur le terrain, cela se traduit par un football spectaculaire et ultra-offensif, où l’intensité physique est maximale, le dépassement de fonction non-négociable. Ses équipes donnent toujours l’impression de jouer sur un fil d’équilibriste. Et les déceptions ont été nombreuses. Au point que sa carrière de coach a souvent semblé tourner au mythe de Sisyphe: se présenter au chevet d’une équipe meurtrie, l’amener vers les sommets, puis trébucher aux portes de la gloire avant de repartir à zéro.

«Il a transcendé des joueurs modestes»

Malgré un titre de champion d’Argentine (avec Newell’s en 1991) et une médaille d’or avec l’Albiceleste aux Jeux olympiques 2008, son parcours est émaillé de cinq finales perdues: en championnat et Copa Libertadores avec Newell’s Old Boys (1992), en Copa América avec l’Argentine (2004), en Ligue Europa et Coupe du Roi avec Bilbao (2012). Mais, également, une qualification en Ligue des champions ratée à la dernière journée avec Marseille (2015) et, dernier «échec» en date, la non-promotion avec Leeds la saison dernière malgré un parcours fantastique. Paradoxe d’un entraîneur élevé au rang de maître à penser par Pep Guardiola, mais qui n’a jamais dirigé un top club européen en 30 ans de carrière.

Pour beaucoup d’observateurs, Bielsa était rangé dans la case des perdants magnifiques. «Le public a été élevé dans le triomphalisme et agit en fonction de cette éducation reçue», dit-il. Depuis ce vendredi et l’officialisation de la montée de Leeds en Premier League, peut-être est-il entré dans la catégorie du «football qui gagne» tant vénéré. Et il l’a fait à sa manière, avec un style promis à l’offensive: pressing tout-terrain, marquage individuel, circuits de passes travaillés jusqu’à saturation à l’entraînement…

Comme toutes ses équipes, les «Peacocks» se sont aussi sérieusement fait peur. Entre fin 2019 et mi-février, ils n’ont obtenu que deux victoires en onze matches et le spectre d’une nouvelle désillusion planait, avant un spectaculaire redressement. Autre spécialité maison: Bielsa a réussi à transcender des joueurs modestes. L’effectif de cette saison ne comprend aucun nom ronflant, excepté peut-être Kiko Casilla, ex-gardien remplaçant du Real Madrid. La plus grosse valeur marchande? Le milieu Kalvin Phillips (12 millions d’euros selon les estimations de Transfermarkt).

Globalement, Leeds se résume à un concentré d’anciens espoirs qui n’ont jamais confirmé ou d’inconnus jusqu’alors, à la trajectoire discrète. Un melting-pot symbolisé par Patrick Bamford et Pablo Hernandez. Le premier, meilleur buteur du club cette saison (16 réalisations) se révèle à 26 ans après des échecs à répétition. Quant à l’ancien milieu offensif de Valence, il vit une seconde jeunesse à 35 ans et brille dans un rôle de meneur de jeu.

À l’arrivée, son travail a rendu la ville de Leeds fière de son club, après des années dans l’anonymat. Et la remontée en Premier League n’en est finalement que la cerise sur le gâteau. «Nous qui sommes dans le football pensons que la récompense ne passe que par les titres et l’argent, a-t-il affirmé un jour. Mais il y a un troisième élément d’une valeur incalculable, qui n’est pas nécessairement une conséquence de l’argent ou des titres. C’est la capacité de provoquer des émotions qui établit le lien entre une équipe de foot et ses supporters.»

Depuis quelques heures, Marcelo Bielsa compile le titre, l’argent et l’émotion. Il est pleinement heureux. Enfin.

«Le public a été élevé dans le triomphalisme et agit en fonction de cette éducation reçue»

Marcelo Bielsa, manager de Leeds United

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