Publié

ControverseCompétition sportive et sexe: un tabou qui dure

S'envoyer en l'air avant une épreuve affecte-t-il les aptitudes physiques? Les experts sont divisés. Les athlètes aussi.

par
Sandra Imsand

Dans l'Antiquité, les Grecs prêchaient l'abstinence avant toute activité sportive. Une pratique qui perdure jusqu'à aujourd'hui. Il est par exemple connu que le boxeur Muhammad Ali se privait de tout contact charnel six semaines avant un combat. En 1998, lors du Mondial de football, le coach britannique Glenn Hoddle avait mis ses joueurs à la diète sans sexe pendant tout le tournoi, à savoir un mois entier. Plus clément, Flavio Capelli, le sélectionneur des Anglais pour la Coupe du monde en 2010, avait autorisé les visites des conjointes, mais uniquement le lendemain des matches.

Pourtant, les études menées sur le sujet semblent plutôt appuyer l'idée qu'une activité sexuelle la veille d'une pratique sportive n'a aucune influence sur la performance. Un article paru dans le Clinical Journal of Sport Medicine fait état de trois recherches menées sur le sujet. Aucune n'a démontré qu'un câlin douze heures avant un test d'effort avait une conséquence quelconque sur la force physique, la puissance, l'endurance, l'équilibre, la capacité respiratoire ou la pression artérielle. Quant à la frustration sexuelle qui rendrait les sportifs plus agressifs, Ian Shrier, de l'Université McGill au Canada, coauteur de l'article, explique qu'aucune recherche n'a été menée sur le sujet.

Souheil Sayegh, médecin du sport à l'Hôpital de la Tour, à Meyrin (GE), estime que les études citées dans l'article – dont certaines datent de 12?ans! – n'ont pas vraiment apporté de réponse à la question. «Les conditions qui régissent la compétition de haut niveau sont difficilement reproductibles. Cela dépend de tellement de facteurs différents et de choses non mesurables, comme par exemple l'émotion, ou le mental. On a beau mesurer toutes les hormones que l'on veut, impossible de mettre le doigt sur quelque chose de tangible.»

«Faire l'amour ne peut être que bénéfique, estime pour sa part Georges-André Carrel, spécialiste du sport. Il y a sécrétion d'endorphine, l'hormone du plaisir, qui provoque relaxation et détente.» Ancien entraîneur de l'équipe féminine nationale de volleyball, le Vaudois n'a jamais interdit l'activité sexuelle à ses joueuses, à condition que cela n'empiète pas sur la préparation. «S'il s'agit de conquérir un amant ou une amante pendant toute la nuit, ce n'est pas conseillé, car les heures de sommeil et de récupération en souffrent. Le sexe ne peut pas faire de mal, mais comme dans tout, il faut faire preuve de bon sens.»

Dans le cadre des Jeux olympiques à Londres, Kim Collins a récemment été exclu de la compétition car il avait choisi de passer la nuit avec son épouse dans un hôtel. L'expert du 100?m de St. Kitts et Nevis avait alors tempêté sur son compte Twitter: «Même en prison, on a le droit à la visite de sa femme.» Un cri du cœur qui fait référence au fait que les conjoints sont interdits dans le village olympique. Un avantage ou un inconvénient? «Les personnes qui auront raflé des médailles auront profité de l'abstinence, les autres, non, pas vraiment», répond le Dr?Sayegh, le sourire en coin.

Ton opinion