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ConsommationContre cette Suisse qui jette trop

Le WWF veut que les autorités fédérales luttent davantage contre le gaspillage. Mais c'est surtout le consommateur qu'il faudrait faire changer.

Eric Felley
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Eric Felley
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Avec deux millions de tonnes par an, la Suisse jette d'une manière ou d'une autre un tiers de sa production de denrées alimentaires. A l'occasion de la Journée mondiale de l'alimentation, le WWF Suisse lance une pétition pour alerter la Berne politique contre ce gaspillage. Avec un objectif: le réduire d'au moins 50% d'ici à 2025.

«Si l'on jette un tiers de ce qu'on produit, alors un tiers des paysans n'ont qu'à rester dormir, ils travaillent pour rien», provoque la conseillère nationale Isabelle Chevalley (Vert'libéral/VD), fer de lance au niveau fédéral dans la lutte contre le gaspillage alimentaire. Chez les cultivateurs de pommes de terre, ce sont même deux tiers des paysans qui pourraient dormir.

Pour frapper les esprits, le WWF a mis en avant le sort du plus populaire des légumes. Quelque 66% de la récolte sont gaspillés: la moitié sur le champ lui-même et l'autre moitié dans la poubelle des ménages. Cela correspond à 300 000 tonnes par an ou à 1,2 milliard d'assiettes de rösti! La principale raison du gaspillage à la production est le tri qualitatif. Les tubercules déclassés finissent en fourrage ou en biogaz. Dans les ménages, l'étude du WWF note surtout une «mauvaise planification des achats et un stockage inapproprié».

Mais, pour combattre ce fléau, il faudrait mieux savoir de quoi l'on parle. La Suisse ne dispose pas de chiffres permettant d'analyser finement sa situation. Le WWF publie ainsi une série d'extrapolations à partir de données recueillies en Grande-Bretagne, sur un marché similaire. Il a analysé trois filières: les céréales, la viande et les légumes.

Quelque 43% des céréales planifiables sont gaspillées. La part la plus importante, la moitié, est jetée par les ménages, soit le pain sec. Dans la filière viande, le gaspillage est moins important, soit 19%. La principale perte intervient au moment de la transformation (9%) mais aussi dans les ménages (8%). Enfin, dans la filière des légumes frais, 34% sont jetés, dont 13% par ces mêmes ménages.

Cette étude du WWF corrobore des chiffres avancés par des chercheurs de l'EPFZ et de l'Université de Bâle. Les ménages sont les premiers responsables du gaspillage (45%), suivent l'industrie de transformation (30%) et la production (13%). La part revenant au commerce de détail étant de 5%.

A Berne, Isabelle Chevalley constate de petits progrès. Son postulat pour l'interdiction de brûler les déchets alimentaires a été accepté, et un groupe de travail, lié à l'Office fédéral de l'agriculture, planche sur diverses stratégies antigaspillage, dont celle de légiférer sur les dates de péremption. Par contre elle avoue: «La principale source de gaspillage, ce sont les gens. Ils achètent trop et ne savent pas cuisiner ce qui reste, comme le pain sec ou de la crème aigre. Ils jettent ce qui est encore bon. Là, clairement on ne peut pas légiférer, mais inciter les gens à se comporter différemment.»

Pour la cause, le 1er décembre prochain, lors de la session d'hiver, le groupe Ecologie libérale a décidé d'offrir aux parlementaires un «apéro déchet»: «Nous montrerons qu'on peut faire d'excellents muffins avec des bananes noires ou une soupe parfaite avec des légumes flétris…»

900 éléphants par jour!

De quoi inciter les Suisses, ou les faire sourire? En Suisse, chaque habitant a environ 800 kilos de nourriture à disposition par année. Il en mange 500 et en jette 300. Dans les comparaisons les plus audacieuses des milieux antigaspi, cela représente au plan national le poids de 369 baleines par semaine ou 900 éléphants par jour. Et probablement plus d'un million de muffins à l'heure.

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