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InterviewCorbier: «Je ne voulais plus être le pitre»

Extrêmement marqué par ses quinze ans à la TV aux côtés de Dorothée, Corbier a eu toutes les peines du monde à revenir à son premier métier: chansonnier.

Laurent Flückiger
par
Laurent Flückiger

Le chansonnier Corbier est en tournée en Suisse romande. Oui, chansonnier. François Corbier l'a presque toujours été. En 1965, déjà, à 21 ans, il chante chaque soir en cabaret. L'été, pour manger, il joue au Club Méditerranée. En 1968, il écrit des chansons aux Editions Barclay, et Alain Barrière produit son premier disque. Bien sûr, le grand public se souvient surtout de lui comme le barbu aux côtés de Dorothée. C'étaient les années télé, de 1982 à 1997, dans «Récré A2» sur Antenne 2 puis dans «Le Club Dorothée» sur TF1. Mais c'est bien une guitare qu'il garde avec lui durant ces quinze ans à faire le pitre.

N'empêche, quand l'écran s'éteint, pour lui, commence alors une longue période de galères. Pas facile de tourner la page télévisuelle: les portes refusent de s'ouvrir. Il persévère, retrouve la scène, aidé par ses anciens collègues, Dorothée, Ariane, Jacky et le producteur Jean-Luc Azoulay. Il compose, tourne en France, en Belgique, en Suisse, au Canada et sort fin 2012 un 6e album. Corbier le chansonnier semble enfin remis sur pied.

Plus de quinze ans après la fin des années télé, comment ça se passe pour vous?

Je fais un ou deux concerts par semaine, ça se passe bien. Maintenant les gens ont compris que je propose autre chose et ils me laissent tranquille avec les chansons destinées aux enfants. Puisque eux-mêmes ne sont plus des enfants. Mais ce n'est pas totalement terminé. Certains viennent quand même dans l'espoir d'entendre «Le nez de Dorothée» ou «Sans ma barbe». A la fin du spectacle, ils me disent: «On était venus pour rigoler de vous, et puis on s'est laissé avoir et on a passé une excellente soirée.» Donc ça va, les choses se remettent en place.

Vous étiez dans la dèche à la fin des années 1990?

Oui, oui, forcément. J'ai été extrêmement marqué par la télévision. Et les gens qui organisent des spectacles pour adultes ne me faisaient pas du tout confiance, puisqu'ils ne me connaissaient pas comme auteur de chansons. Certains même étaient persuadés que c'est moi qui avais écrit pour Dorothée et Les Musclés. Moi, j'étais juste comédien dans ces émissions, je n'avais rien à voir avec ça, mais ça a été difficile de le faire admettre. J'avais fait l'andouille dans le poste, donc je ne pouvais être qu'une andouille. (Rires.)

Avant la TV, admettez que vous faisiez un peu l'andouille.

Ah oui, j'ai toujours écrit des chansons bizarres, surprenantes, comiques, mais elles ont un fond de réflexion. Par exemple, les chansons flash, qui font quatre vers, on peut en faire des quantités en se basant sur un calembour. Moi, j'essaie d'ajouter une résonance sociale.

Dans votre autobiographie publiée l'an dernier, vous consacrez peu de pages aux années Dorothée. Pourquoi?

Il y a une vingtaine de pages, ça correspond aux quinze ans que j'ai faits. Je ne voulais pas m'attarder sur la télévision, ce n'était pas le but de ce livre, qui est de raconter ma vie.

Il s'appelle «Vous étiez dans Dorothée?»…

Parce que c'est la question que me posent tout le temps les gens dans la rue. Ils ne se souviennent plus de mon nom, mais ma voix les intrigue. Alors, j'ai choisi ce titre. Mais j'avais bien plus de choses à dire sur mon enfance, l'époque de mon service militaire et ma rencontre avec Brassens. C'est plus intéressant que de parler de télévision, où tout le monde sait à peu près ce qui se passe quand on y entre.

Pour quelle raison vous avez choisi d'y entrer en 1982?

Je travaillais dans un théâtre de chansonniers, lorsque Jacqueline Joubert est venue me chercher. Elle s'était aperçue que mes morceaux amusaient autant les enfants que leurs parents et voulait donc que j'en écrive pour «Récré A2». Alors, pendant deux, trois ans, toutes les semaines, j'ai fait une chanson pour amuser les enfants avec leurs petits malheurs. Puis j'ai suivi Dorothée sur TF1 et on ne m'a plus demandé d'en écrire. Ou ça ne m'intéressait plus. Mais je faisais de la comédie, et c'est un métier que j'aimais beaucoup.

Puis vous claquez la porte du «Club Dorothée» en 1996.

Parce que je m'ennuyais! Je ne voyais pas d'issue à ma présence dans cette émission et je suis parti un an avant la fin. Je suis resté copain avec tout le monde, je n'étais pas fâché, mais je ne voulais plus être le pitre télévisuel. Je voulais faire de la comédie, de la radio, jouer dans des pièces de théâtre, au cinéma. Et bien évidemment… (rires) rien de tout ça ne s'est présenté!

Aujourd'hui, si une tournée ou une émission spéciale «Club Dorothée» sont montées, vous y participez?

Jean-Luc Azoulay m'a parlé de ça un jour et je lui ai dit que j'avais tiré un trait là-dessus. J'aime beaucoup Dorothée, mais ma vie est ailleurs. Si j'acceptais, ce serait replonger dans les années télévisuelles. Alors bien sûr, je garderai cette image jusqu'à ma disparition, peut-être même encore plus longtemps, mais je ne veux plus qu'on m'assimile à ça.  

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