VirusCovid-19: une étude genevoise explique la perte d'odorat
Les chercheurs pensent que le virus entre probablement directement dans des cellules nasales. Qui, en plus, sont en contact direct avec le cerveau.

95% des personnes infectées par le coronavirus ont connu des perturbations de l'odorat.
Cela a très vite été constaté: de nombreuses personnes infectées par le nouveau coronavirus se plaignaient d'une perte subite de l'odorat et du goût. Un rapport scientifique l'a confirmé: 95% des patients Covid-19 ont présenté des perturbations olfactives, variant de légères à sévères. Si la perte d'odorat est un symptôme connu d'autres maladies, elle s'explique généralement parce que le nez est bouché. Or, cela n'était pas le cas chez les personnes atteintes par le coronavirus.
Une équipe genevoise, composée de membres de l'Université de Genève (faculté des sciences et faculté de médecine) et des HUG a donc émis l'hypothèse que le virus infectait le système olfactif, qui de plus pouvait lui donner un accès direct au cerveau. Pour ce faire, elle a cherché des cellules qui seraient les meilleures candidates pour être contaminées.
Des cellules cruciales pour sentir
La science a permis de découvrir comment le coronavirus attaque une cellule. Une protéine (S) sur sa surface interagit avec une enzyme (ACE2) de la cellule cible. Une action facilitée encore par la présence d'une protéase (TMPRSS2) de la cellule. Résultat: les membranes du virus et de la cellule fusionnent, cette dernière est donc infectée et le virus se reproduit. L'idée des chercheurs genevois a donc été de chercher des cellules du système olfactif possédant ACE2 et TMPRSS2.
Chez l'homme, la cavité nasale est divisée en deux zones, la partie respiratoire et l'olfactive. Cette dernière, appelée neuroépithélium olfactif, est située à l'arrière de la cavité nasale et entre en contact avec les produits chimiques volatils qui pénètrent dans le nez. Et ce sont les neurones sensoriels olfactifs qui sont reliés au cerveau par un prolongement appelé dendrite. Dendrites qui sont elles-mêmes enveloppées dans des cellules spécialisées nommées cellules sustentaculaires. Et celles-ci jouent un rôle crucial pour préserver l'intégrité de la partie olfactive du nez.
L'équipe genevoise a prépublié de premiers résultats sur BioRxiv. Les cellules sustentaculaires olfactives contiennent à la fois ACE2 et TMPRSS2 (ce qui n'est pas le cas par exemple des neurones olfactifs). Ce sont donc très vraisemblablement elles qui sont infectées par le coronavirus et, vu leur rôle essentiel dans le système olfactif, toute altération, voire destruction expliquerait la perte rapide de l'odorat observée chez les personnes infectées par le virus. Les chercheurs pensent même que «malgré le fait que l'on ne peut pas exclure l'inflammation et l'infection d'autres types de cellules (...) comme origine de l'anosmie» (la perte de l'odorat), la contamination de ces cellules pourrait à elle seule expliquer ce symptôme. Le rétablissement de ces cellules, voire leur régénération expliquerait le retour de l'odorat chez la plupart des patients. Ceux qui conservent des troubles pourraient avoir eu plus de dommages, peut-être aux neurones olfactifs.
Pourquoi le goût aussi?
Reste que la perte du goût a également fréquemment été observée. Si elle pourrait s'expliquer par, justement, une perturbation de l'odorat qui peut altérer la saveur des aliments, les chercheurs genevois suggèrent une potentielle piste alternative, impliquant une altération du cerveau. Et en effet, ils ont également découvert dans celui-ci des cellules qui font de bonnes candidates à une infection par le SRAS-COV-2 Or l'on sait que plusieurs virus utilisent la voie nasale pour parvenir au cerveau (même parfois la grippe). D'où leur conclusion que cette porte d'entrée du coronavirus pour atteindre le cerveau humain (des troubles neurologiques ont bien été observés chez des personnes infectées) pourrait bien être ces fameuses cellules sustentaculaires. C'est en tous cas, concluent-ils, une piste d'investigation à poursuivre, qui permettrait de mieux comprendre l'infection, voire de cibler des traitements.