Jeu vidéo: «Cyberpunk 2077»: ce grand jeu malade

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Jeu vidéo«Cyberpunk 2077»: ce grand jeu malade

Au-delà des bugs et de ses difficultés à être praticable sur la Xbox et la PS4 de 2013, la superproduction de CD Projekt Red frise le sublime.

Jean-Charles Canet
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Jean-Charles Canet
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Corruption, violence, transhumanisme, sexe augmenté… tous les éléments du genre cyberpunk, tel que transposé dans «Blade Runner» sont constitutifs du jeu.

Corruption, violence, transhumanisme, sexe augmenté… tous les éléments du genre cyberpunk, tel que transposé dans «Blade Runner» sont constitutifs du jeu.

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Guest star, Keanu Reeves joue le rôle de Johnny, un rocker déchu et décédé, dont la mémoire est fusionnée accidentellement dans celle de V., l’antihéros du jeu.

Guest star, Keanu Reeves joue le rôle de Johnny, un rocker déchu et décédé, dont la mémoire est fusionnée accidentellement dans celle de V., l’antihéros du jeu.

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Un combat dans un dépôt.

Un combat dans un dépôt.

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Oublions quelques instants les bugs et une finition insuffisante pour que le logiciel se sente à l’aise sur la Xbox One et la PS4 (millésime 2013), focalisons-nous sur «Cyberpunk 2077», le jeu (à réserver absolument aux adultes vaccinés), et moins sur les polémiques en cascades.

Précisons tout d’abord que nous en avons pratiqué la plus grande partie sur Xbox Servies X. Nous l’avons aussi lancé sur PC Windows, juste pour vérifier ce que nous redoutions: à moins d’avoir une machine de guerre, soit un engin doté d’une carte graphique de dernière génération, «Cyberpunk» souffre aussi de sa démesure. Bridés par une carte GeForce GTX 980 trop vieille pour tenir le choc, nous nous sommes rabattus sur une console dont la dernière évolution est sortie en novembre. Bien nous en a pris, sur du matériel millésime 2020 (PS5 comprise), le jeu se comporte de manière amplement satisfaisante. Nous n’avons souffert d’aucun plantage sur Xbox et les quelques bugs rencontrés ne sont pas trop méchants. Dans ce cadre, la magnificence évidente de «Cyberpunk 2077» peut s’épanouir.

Détail de luxe

Tout commence par la création d’un personnage (qui répondra au nom de V.). Ce qui frappe tout d’abord c’est la totale d’absence de pudeur (ou de pudibonderie) dans cette phase puisqu’il nous est donné de façonner celui ou celle qui nous accompagnera durant un nombre incalculable d’heures jusque dans ses détails les plus intimes. L’interface permet en effet de choisir la forme et la taille du pénis (au repos) et la densité des poils pubiens (avec, bien sûr, une sélection adaptée si on choisit un personnage féminin voire transgenre). Ironie de l’histoire, ce détail pointilleusement animé ne servira pourtant à rien par la suite puisqu’il ne sera plus exhibé que dans notre dressoir «in game». À quoi bon alors? Peut-être à nous avertir que, l’action se situant dans un futur dystopique, la sexualité autant que la violence dans laquelle baigne Night City, une ville comme de bien entendu corrompue, en sont des composantes essentielles.

Ce loup qu’on ne revoit pas

Il y a bien quelques romances qui permettent de passer à l’acte; sa représentation reste cependant dans le cadre d’un érotisme plus allusif que frontal. C’est curieux, chez les avatars, ce besoin de faire l’amour tout habillé. Ce recentrage montre clairement que le développeur a choisi soigneusement «jusqu’où aller trop loin». Nul doute qu’on lui aurait reproché des représentations plus explicites et, dans le contexte, le jeu traîne suffisamment de casseroles pour s’épargner une polémique supplémentaire.

Mes aïeux, quelle ville!

Night City, et ses environs, donc. À eux seuls, ces terrains justifient l’existence de l’épopée interactive et les années passées à son développement. Ils sont tout bonnement magnifiques. La ville est dense, sa verticalité est exploitée comme jamais. Ses quartiers ont chacun une personnalité très marquée et le sens du détail transparaît à chaque coin de rue, dans les commerces, dans les appartements auquel on a accès, sans parler des effets visuels et sonores. Dans ce tableau impressionnant, on peut certes ergoter sur le comportement crétin des habitants et sur celui des véhicules – ce que nous ne ferons pas, et ce d’autant plus qu’un correctif récent a légèrement remonté le Q.I. des citoyens. Quant aux régions périphériques, toutes aussi travaillées, elles introduisent une variante bienvenue à la densité urbaine.

Dans cet extraordinaire bac à sable se situent d’innombrables activités. Là on est dans le classique du monde ouvert: missions primaires qui font progresser le scénario, missions secondaires qui enrichissent le contexte et permettent de faire évoluer les capacités de notre avatar et même tertiaires, celles qui réapparaissent une fois achevées.

Des arbres touffus

Sur cela se greffent les fameux arbres de compétences. On a été dans un premier temps rebuté par l’apparente complexité de ces branches qui permettent tantôt d’accroître son intelligence, son physique, ses capacités de hackeur, sa puissance de feu et autres menus détails. Les choses s’arrangent avec le temps. La progression n’en est pas moins lente et, une fois les conséquences de nos choix bien compris, testés sur le terrain, il est hélas impossible de réaffecter les points des cinq catégories principales. Le faire pour les sous-catégories est possible mais ça coûte une blinde. Cela a pour conséquence de nous guider plutôt vers ce qui apparaît payant de prime abord, soit un mode de jeu axé sur les affrontements armés au détriment d’une composante «infiltration» au départ très…, trop rébarbative. Un gros regret pour nous. Encore heureux que les gunfights peuvent se faire avec des armes très bien pensées et dont on ne se lasse pas et dont il faut saluer l’originalité des variantes.

Au niveau de «Red Dead Redemption II»

Venons-en à la partie qui nous a séduits le plus, soit le scénario, les dialogues, le jeu d’avatars, bref toutes les idées narratives ici mises en place avec brio par le développeur. C’est moins subtil que dans «The Witcher 3», basé sur une œuvre littéraire, mais cela n’est reste pas moins trois mètres au-dessus du tout-venant, «GTA V» et «Red Dead Redemption II» exceptés.

Reconnaissons toutefois que «Cyberpunk» n’échappe pas au syndrome de la carte ployant sous le poids d’une constellation vertigineuse de points d’intérêts. Encore heureux que la section «Journal» hiérarchise les activités.

En convalescence

Arrivé aux portes du chapitre final, échéance que nous repoussons heure après heure afin de grappiller tout ce que nous jugeons encore important, notre opinion est faite. Malgré ses bugs, son manque d’optimisation et des mécaniques ludiques parfois cassées, «Cyberpunk 2077» est un jeu malade frisant le sublime. Même après l’avoir bouclé, on se prend à espérer que, d’ici quelques mois, – à l’instar de «The Witcher III» – cette œuvre monumentale vieillira tel le grand cru qu’il a toujours promis d’être. On veut encore y croire.

Des failles en pagaille exploitées par les «gamers»

Argent facile, points d’expérience boostés, équipements d’armure cumulés qui rendent invincible, armes surpuissantes… Aussitôt repérées, les failles subsistantes de «Cyberpunk 2077» sont exploitées par des gamers qui peuvent ainsi s’affranchir des plans de progression imaginés par les développeurs de CD Projekt Red. YouTube fourmille ainsi de tutoriels qui permettent sur consoles et sur PC de briser les règles et de corrompre un peu plus les mécaniques ludiques.

L’une des failles dénichées permet ainsi, une fois un objet très onéreux trouvé dans une mission, de le revendre dans un automate, de le multiplier (premier «glitch»), de le racheter à vil prix (second «glitch») et de le revendre au plus haut, ce qui permet de dégager un juteux bénéfice. Ce sont ainsi des centaines de milliers d’«eurodollars», la monnaie du jeu, qui peuvent être rapidement accumulés, ouvrant aux joueurs la porte à des «améliorations» qu’ils ne pourraient s’offrir au niveau qu’ils occupent.

Il va sans dire que ces trucs et astuces transforment radicalement l’expérience. Elles sont à éviter si on souhaite conserver la vision des concepteurs. Mais, outre le fait que la tentation est grande, il s’agit d’un élément de plus qui démontre qu’à son stade actuel «Cyberpunk» est non seulement plus buggé que la moyenne mais aussi aisément cassable. Le studio a décidément encore du pain sur la planche.

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