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InterviewDavid Guetta: «Je me sens un homme libre»

Le DJ français s'est confié en exclusivité romande sur «7», son album qui sort ce vendredi 14 septembre, mais aussi sur ses anciennes peurs et son ami décédé Avicii.

par
Fabio Dell'Anna
Berlin

L'artiste nous a reçu à Berlin juste avant de se produire au festival Lollapalooza.

La pression, il ne l'a plus. A 50 ans, David Guetta publie un nouvel album intitulé «7» et n'a de compte à rendre à personne. «Je ne fais plus de concessions et je n'ai plus d'angoisses de savoir si ça va marcher ou non», nous souffle-t-il. En ce samedi 8 septembre, assis sur une chaise de bar dans un hôtel berlinois, le DJ nous glisse plusieurs confidences sur ce disque et sur son état esprit, juste avant de monter sur scène au festival Lollapalooza.

Vous sortez un double album, où le deuxième disque est un vrai retour aux sources avec de la house des années 1990. Vous avez voulu vous faire plaisir?

Oui, c'est un retour à une manière de travailler que j'avais au tout début. J'ai fait cet album dans un esprit super-libre. Aussi bien dans un univers qui pouvait être très pop que dans quelque chose de très club. Au lieu d'essayer de toujours combiner les deux, j'ai décidé de me concentrer sur deux différents projets.

Vous avez choisi de vous appeler Jack Back pour les titres plus club. Pourquoi?

Les gens doivent comprendre qu'il y a une différence. Et peut-être qu'un jour, je pourrais mixer sous ce nom et les personnes ne s'attendront pas à entendre «Titanium» ou «I Gotta Feeling». Je comprends tout à fait qu'ils ont envie d'entendre les classiques de David Guetta et je ne veux pas les décevoir. Mais je trouve ça sympa d'avoir un autre nom quand j'ai envie de jouer un autre style de musique.

Quel est votre premier souvenir de la house?

A 17 ans, on m'a proposé un job de DJ dans un club gay. J'ai alors commencé à regarder ce qui se passait dans les boîtes à l'étranger: la house music faisait vibrer les clubs homosexuels à Chicago et à New York. J'écoutais des disques qui venaient des Etats-Unis et j'étais fasciné. En 1988, je suis allé en Angleterre où le genre explosait. C'était une époque extraordinaire! J'ai donné tout mon argent à un magasin de vinyles qui s'appelait Black Market. J'ai dit: «Je n'ai pas beaucoup de temps, mais donnez-moi tous les disques house.» Je suis rentré et j'ai commencé une soirée dans le club gay dans lequel je travaillais. C'était un lundi, le plus mauvais soir de la semaine. J'ai expliqué à mon patron: «De toute manière on est vide, tu ne perds rien. Fais-moi confiance, ce sera complet.» Je me rappelle qu'avec Laurent Garnier on était les deux seuls DJ à jouer finalement cette musique en France.

On retrouve de la pop, de l'urbain, du latino dans la première partie de votre album. Vous aviez vraiment ce besoin de toucher à tout?

J'aime bien me donner des challenges. C'est pour ça que je suis toujours aussi passionné, toujours aussi excité. Et ce n'est pas possible de me satisfaire d'un seul style. Je ne m'amuse pas. J'ai voulu aller très loin dans la pop... Et tout explorer. Effectivement, il y a notamment un morceau trap, de la dance et un titre en espagnol avec J Balvin, qui est l'artiste le plus streamé de l'année.

Et vous avez voulu surfer sur la tendance avec J Balvin?

Pas vraiment. Même si j'ai fait deux morceaux avec lui. On a effectivement réalisé «Say My Name» pour cet album. Mais on a enregistré «Para que te quedes» il y a trois ans, avant toute cette vibe latine. C'était durant une période où j'avais peur de tout: de moi, de perdre mon statut, et ça m'a un peu servi de leçon. Si je l'avais sorti à l'époque, j'aurais été le premier. À douter de moi-même, j'ai manqué une opportunité. Avec cet album, j'arrive avec un nouvel état d'esprit et j'assume totalement de m'amuser avec plein de styles différents.

Les gens diront: «Il essaie tous les styles car il veut à tout prix un tube»...

Justement, aujourd'hui je ne suis pas à un stade où j'ai peur de ce que les gens vont dire. Je m'en fiche.

Il y a moins de pression? Dans un documentaire sur Avicii, vous dites qu'à partir du troisième tube interplanétaire on change sa vision de voir les choses.

Vous mentionnez Avicii et évidemment ça m'a beaucoup affecté ce qui s'est passé (ndlr: il s'est suicidé en avril dernier). Il m'avait demandé de participer à son documentaire, et je pouvais tellement le comprendre. Je me souviens que je ressentais exactement ce qu'il pouvait avoir dans sa tête. Je suis heureux d'être sorti de ça. Je ne suis plus du tout dans ce truc où finalement on est victime de son succès et on se met une pression horrible.

C'est une étape obligatoire pour chaque grand artiste?

C'est très difficile à vivre et je crois que tous les artistes passent par là. Et la plupart des artistes en restent là. C'est très mauvais pour son bonheur personnel mais aussi au niveau artistique. On se renferme et on pense: «Qu'est-ce que les gens vont dire? Est-ce que ça va marcher?» Quand on pense à tout ça, on ne fait plus rien. Aujourd'hui, je me sens un homme libre, je suis heureux de faire la musique que je fais et je le fais avec le cœur. Du moment qu'on est sincère, il n'y a rien à dire. Les gens aiment ou n'aiment pas, mais au moins je ne triche pas.

Comment se sort-on de cette situation?

C'est très difficile. Il y a trois phases. D'abord, c'est juste de l'enthousiasme. Un accident magique, avec un premier, puis un deuxième et un troisième tube. Finalement, on arrive au top de sa carrière et l'inquiétude vous ronge. On se dit:« Et si ça ne marche plus? Est-ce que quelqu'un va prendre ma place?» On passe d'une énergie incroyable à une très négative. C'est en me focalisant sur le positif que j'ai finalement eu une prise de conscience.

Avicii vous aurait conseillé sur cet album. C'est de l'intox?

Totalement. Son équipe m'a appelé en me demandant si c'était le cas. J'ai effectivement un morceau avec Avicii dans mon disque dur, mais je ne l'ai pas sorti car je trouvais le moment délicat. Et surtout cela aurait été irrespectueux. Je ne voulais pas avoir l'air de profiter de la situation, j'ai donc décidé de ne rien faire. Bien que ce soit un superbe titre.

Vous collaborez avec Sia et Nicki Minaj encore une fois, mais au-delà des noms célèbres, vous mettez en lumière aussi de nouveaux artistes, comme Faouzia sur le titre «Battle». Comment les découvrez-vous?

J'aime travailler avec des gens qui ont du talent. Et évidemment, les personnes célèbres en ont plein. Mais je trouve ça encore plus génial de mettre quelqu'un de méconnu en valeur. Pourquoi j'ai choisi Faouzia? Elle a une super voix, très puissante et un style particulier. Elle est Marocaine mais elle a vécu aux États-Unis. Elle a aussi un vibrato très spécial. C'est génial de pouvoir utiliser la crédibilité que j'ai dans la musique pour pouvoir mettre en avant le talent d'autres personnes.

Vous sortez un peu pour découvrir ces futures stars?

Je sors encore beaucoup oui! Surtout à Ibiza. Sinon je passe beaucoup de temps sur Internet où je discute avec des amis dans le monde de la musique.

D'ailleurs où sortirez-vous à Berlin après votre performance à Lollapalloza (ndlr.: c'était samedi dernier)?

Je veux absolument aller au Berghain. C'est un club très underground. J'en ai beaucoup entendu parler et j'aimerais vraiment y aller. Je suis assez excité. (Ndlr: il y est finalement entré et a posté cette photo sur Instagram pour décrire son expérience.)

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