InterviewDavid Hallyday: «Aujourd'hui, je me sens apaisé»
Deux ans jour pour jour après la mort de son père, le chanteur confie vouloir aller de l'avant. Il raconte ses souvenirs comme ses projets, dont un concert à Lausanne le 17 mars 2020.
- par
- Lematin.ch

David Hallyday trouve qu'il ne faut pas abuser des hommages à son père.
Depuis la sortie il y a un an de l'album dédié à son père, «J'ai quelque chose à vous dire», David Hallyday n'a pas chômé: il a multiplié les singles et les vidéos et cela fait presque deux ans qu'il n'arrête pas de donner des concerts.
Deux ans, jour pour jour, c'est aussi à quand remonte le décès de son papa, Johnny Hallyday. Avec émotion et une grande volonté d'aller de l'avant, le chanteur de 53 ans se confie sur ses souvenirs d'enfance et sur ce qui nous attend musicalement.
Vous serez le 17 mars prochain à la salle Métropole, à Lausanne. Qu'allez-vous nous offrir sur scène?
Cela fait deux ans que je tourne avec le disque précédent et l'idée était de partir d'une page blanche. Je vais ajouter de nouveaux titres. L'ambiance et l'univers du show tourneront autour du dernier album. Ce sera bien différent de mon dernier passage en Suisse, à Sion sous les étoiles.
Vous étiez dernièrement sur scène au Grand Rex, à Paris, pour interpréter avec votre mère, Sylvie Vartan, «Sang pour Sang» que vous aviez l'habitude de chanter avec votre père. Qu'avez-vous ressenti?
J'avais évidemment beaucoup joué cette chanson avec mon père. Je l'avais composée pour lui et elle parle de la relation d'un père et de son fils. Alors, j'attendais de voir comment allait se passer l'interprétation avec ma mère. L'émotion était tout autre, mais le titre reste en famille.
Comment avaient réagi vos parents quand, à l'époque, vous leur aviez annoncé que vous vouliez être un artiste comme eux?
Il n'y a pas vraiment eu d'annonce, ils l'ont vu alors que j'étais tout petit. C'est comme pour une carrière de sportif: ils ont rapidement compris que j'étais fait pour ça et que c'était ma passion. Et je ne leur ai surtout pas laissé le choix. (Rires.)
Dans le contexte actuel de baisse des ventes de disques, «J'ai quelque chose à vous dire» s'est écoulé à plus de 100 000 exemplaires. Quel est votre sentiment?
C'est surtout une belle preuve de fidélité, ça fait du bien. Lorsque je composais l'album, je pensais d'abord au public et à la scène. De savoir que les gens ont été touchés est un peu la cerise sur le gâteau. Dans l'industrie musicale actuelle, il y a deux marchés importants: celui du disque physique et le streaming. Quand on a connu la grande époque, c'est vrai que c'est dérisoire. C'est pour ça que ces ventes me font encore plus plaisir.
D'ailleurs, on a pu voir sur Instagram que vous êtes déjà reparti en studio.
Oui, je travaille déjà sur le prochain. Il faut bosser, ça ne va pas se faire tout seul. (Rires.) On ne se réveille pas deux semaines avant l'automne 2020 et on se dit: «Tiens, et si je sortais un disque.» C'est important de prendre son temps. Comme toujours, je raconte généralement mes expériences et la manière dont je vois le monde. Trois chansons sont déjà prêtes.
Le disque «J'ai quelque chose à vous dire» a une signification très spéciale pour vous.
Comme les douze autres albums avant, j'avais besoin de sortir tout ce que je gardais à l'intérieur. La particularité de celui-ci est qu'il traite d'un sujet de ma vie compliquée. Très compliquée. Tous ceux qui ont perdu quelqu'un peuvent confirmer que c'est d'une violence inouïe. Je parle du chemin entre ce moment et la reconstruction. On y retrouve beaucoup de force, de choses factuelles que j'ai vécues. J'ai composé ces titres pour aller de l'avant.
Deux ans plus tard la mort de votre père, peut-on dire que ce processus a aidé à cicatriser la blessure?
Personne ne vit un deuil de la même manière. Je me sens apaisé. Mais cicatrisé, c'est une autre question. Je ne sais pas. Même avec le temps, je ne sais toujours pas.
C'était aussi significatif de demander à votre sœur, Laura Smet, de réaliser le clip de «Ma dernière lettre»?
Je trouvais évident que Laura devait s'occuper de ce projet. En 2015, elle en avait déjà réalisé un pour The Avener que j'avais trouvé vachement bien. Elle a un vrai talent dans la réalisation. Personne n'aurait pu mieux faire ce travail car elle a vécu les mêmes choses que moi. J'aurais eu du mal à raconter mes sentiments à quelqu'un d'autre.
Dans «J'ai quelque chose à vous dire» vous chantez: «On peut rendre tous les hommages, ça ne comblera pas l'absence.» Aujourd'hui, les hommages continuent, et vous comment allez-vous?
Je vais bien. Il faut aller de l'avant. Je suis d'une nature combative. Si j'ai des moments de faiblesse, j'essaie qu'ils ne durent jamais trop longtemps. J'ai une façon assez hallucinante de me reprendre. On m'a fait comme ça!
Aviez-vous entendu parler de l'hommage à Johnny Hallyday qui a été organisé à l'Olympia le 1er décembre en présence de Laeticia?
Oui, mais je ne suis pas toujours au courant de tout. Si les gens ont envie de revivre des choses, tant mieux. J'ai tendance à dire que si c'est un hommage artistique, c'est mieux qu'il soit qualitatif que quantitatif. Mais si c'est pour que des gens montent quelque chose pour gagner du fric dessus, non. Un grand événement de temps en temps, c'est exactement ce qu'il faut faire.
Dans «A toi je pardonne» vous dites comprendre l'absence de votre père durant votre enfance, c'est ça?
Absolument! Ce sont des discussions qu'on avait déjà eues. Mon père a toujours eu des remords. Le fait que j'ai grandi loin de lui aux Etats-Unis, alors qu'il était en France ne le rassurait pas. Il m'en parlait de temps en temps. Je lui répondais toujours: «Arrête tes conneries! Je sais ce que c'est.» Je l'ai un peu connu au début des années 1980 et je peux comprendre ce genre de choses.
Même petit, vous compreniez déjà?
Ouais. J'étais aussi dans ma bulle. À 7 ans, je commençais déjà à écrire mes propres chansons. J'étais à fond dans le sport et l'école, mais la musique était ce qui animait ma vie. Tout ça m'a aidé à traverser cette période où mon père me manquait énormément. Je comprends que l'on puisse être occupé par sa passion.
Votre mère n'était pas très présente non plus?
Elle était beaucoup en déplacement, mais moins. C'est ma grand-mère qui m'a élevé. Je passais énormément de temps avec mon cousin Michael (ndlr.: l'acteur Michael Vartan). Il était comme un frère pour moi.
Dans «Eternel», on peut vous entendre interpréter: «J'ai vu dans tes larmes, couler la blancheur. Mais noir sous le voile, je cherche encore ton cœur.» Expliquez-nous ces paroles qui font référence à Laeticia lors de l'enterrement de votre père.
Ce sont les premières émotions qui sont sorties lorsque j'ai commencé à travailler sur ce disque. C'est un élan de colère énorme, de tristesse et de rage. J'avais envie de vaincre quelque chose et d'être plus fort que tout ça.
Comment s'est déroulé le processus d'écriture de cette chanson?
Quand Arno Santamaria écrivait les paroles, il me demandait s'il devait un peu se retenir. Je lui ai dit: «Non vas-y à fond, ou sinon je vais te démonter!» (Rires.) Alors, il l'a fait comme si c'était pour lui, car il a vécu des choses pas faciles. Il a su mettre les mots justes sur ce genre de sentiments compliqués.
Sur scène, vous vous lâchez sur cette chanson?
En général, je me lâche sur toutes les chansons. Mais celle-ci prend encore plus d'ampleur sur scène. Je revis les émotions d'il y a deux ans, et c'est très compliqué.
Aujourd'hui, vous êtes toujours dans le même état esprit?
La rage, je ne l'ai plus. Enfin, toujours un petit peu quand même. Il y a des choses qui ne guérissent jamais. Ce qui est fait est fait et personne ne pourra mettre un pansement là-dessus.