JusticeDébut du procès du tueur en série Francis Heaulme
Le procès du tueur en série, accusé du meurtre de deux enfants, en 1986 à Montigny-lès-Metz, s'est ouvert sur un nouveau rebondissement: deux témoins mettent en cause un ancien suspect aujourd'hui blanchi.

Photo prise le 10 avril 2000 de Francis Heaulme s'adressant à ses avocats Liliane Glock (G) et Luc Girard (D) au Palais de justice de Metz. Le tueur en série Francis Heaulme a changé d'avocat juste avant l'ouverture de son procès devant les assises de Moselle pour le double meurtre de Montigny-lès-Metz, a annoncé le 31 mars 2014 l'avocat révoqué, Pierre Gonzalez de Gaspard. C'est Liliane Glock, qui avait déjà défendu Francis Heaulme par le passé, qui remplace Gonzalez de Gaspard, a précisé ce dernier aux médias rassemblés dans la cour du palais de justice de Metz.
Francis Heaulme, surnommé «le routard du crime», déjà condamné pour neuf meurtres, a pris place dans le box des accusés, pâle, vieilli, cheveux blancs, portant des lunettes sombres et une veste de jogging.Il doit répondre du double meurtre d'Alexandre Beckrich et Cyril Beining, 8 ans, massacrés à coups de pierre, le 28 septembre 1986, au bord d'une voie ferrée. Double meurtre pour lequel Patrick Dils avait été condamné deux fois, en 1989 puis en 2001, avant d'être définitivement acquitté en 2002, après 15 ans passés en prison.C'est la présence avérée de Francis Heaulme à proximité des lieux du double meurtre, qui a finalement conduit à ce nouveau procès.
Francis Heaulme, lui, maintient qu'il n'a pas tué les enfants.Selon lui, le coupable s'appelle Henri Leclaire, un homme qui s'était accusé du double meurtre, en 1986 lors de sa garde à vue, avant de se rétracter. Les enquêtes ont mis cet homme hors de cause et il figure avec Patrick Dils sur la liste des quelque 80 témoins appelés à la barre.
Henri Leclaire maintient qu'il est innocent
Or l'hypothèse Henri Leclaire a été relancée à la dernière minute par deux nouveaux témoins. Un ancien conducteur de train affirme ainsi avoir vu un homme ensanglanté courir le long des voies ferrées au moment du crime. Cet homme ressemblerait selon lui à 90%... à Henri Leclaire.
Un autre témoin entendu samedi soir a pour sa part confié avoir reçu des «confidences de M. Leclaire», qui lui a notamment «mimé la scène» du crime, selon l'un des avocats de Francis Heaulme, Me Stéphane Giuranna.En conséquence, le président Gabriel Steffanus a demandé à avancer l'audition d'Henri Leclaire, initialement prévue le 8 avril, pour l'entendre dès ce mardi.Quant à Henri Leclaire, il maintient qu'il est innocent.
Ce nouveau témoignage l'incriminant n'est qu'une «vaste plaisanterie», a raillé son avocat, Me Thomas Hellenbrand.Selon Me Liliane Glock, l'une des avocates de Heaulme, Henri Leclaire est mis en cause par une «personne normale, crédible». Pour autant, la défense n'entend pas «faire le procès de quelqu'un qui n'est pas dans le box», a-t-elle assuré.«La cour va devoir s'interroger sur la crédibilité» de l'hypothèse Henri Leclaire, reconnaît de son côté Me Thierry Moser, avocat du père d'Alexandre. «Si la cour a le sentiment que M. Leclaire pourrait être impliqué, nous pourrions avoir un supplément d'information», et donc un report du procès, a-t-il ajouté. «Si au contraire, ce sont d'aimables fariboles, le procès doit se poursuivre».
Francis Heaulme était sur les lieux
Francis Heaulme, s'il affirme son innocence, a reconnu avoir aperçu les deux petits garçons vivants, puis morts. Et deux témoins affirment l'avoir vu, le visage ensanglanté, peu de temps après le meurtre, à quelques kilomètres du lieu du crime. Les enquêteurs ont par ailleurs conclu que cette affaire portait sa «quasi-signature criminelle».C'est principalement à l'opiniâtreté de la mère de Cyril, Gabrielle Beining, 70 ans, que Francis Heaulme doit son renvoi devant les assises: elle avait fait appel d'un non-lieu prononcé en 2007 en faveur de Heaulme, et attend désormais «un procès de la dernière chance» pour connaître la vérité.Mais alors que les scellés ont été détruits ou perdus depuis longtemps, les jurés n'auront que les témoignages à soupeser.
Aux yeux de Ginette Beckrich, la grand-mère du petit Alexandre, les preuves contre Francis Heaulme «ne sont pas suffisantes», selon son avocat, Me Dominique Rondu. «Dans cette affaire hors norme, il faut avoir plus qu'une intime conviction», a-t-il insisté.«Cette affaire est vraiment bizarre, du début à la fin, c'est une affaire abracadabrantesque», a estimé Me Pierre Gonzalez de Gaspard, qui a travaillé six mois à préparer la défense de l'accusé avant d'apprendre juste avant l'audience qu'il était révoqué au profit d'un trio conduit par l'ancienne avocate de Francis Heaulme, Me Liliane Glock.