InquiétudesDes contingents aux représailles
Dans l'agriculture, l'hôtellerie ou la construction, on craint une phase d'incertitude. L'Union européenne, elle, veut revoir l'ensemble de ses relations avec la Suisse.
- par
- Eric Felley

Les répercussions sur les relations avec l'Union européenne sont incertaines.
L'article constitutionnel 121a voté hier par les Suisses n'entre pas en vigueur immédiatement. Le Conseil fédéral et le Parlement ont trois ans pour ficeler des lois d'application afin de préciser les notions de «plafonds» et de «contingents annuels» visant à restreindre l'afflux de travailleurs étrangers. Pour l'instant, en fait, rien n'est clair, comme le constate Jacques Bourgeois, directeur de l'Union suisse des paysans et conseiller national (PLR/FR): «On va vers une période d'insécurité. Je vais m'engager à ce que les 20 000 travailleurs étrangers dont nous avons besoin dans l'agriculture, l'horticulture ou la viticulture soient une main-d'œuvre prise en considération, même si elle est généralement peu qualifiée.»
Des contingents par pays?
Jacques Bourgeois est contre: «Je n'espère en tout cas pas un système avec des saisonniers comme il existait à l'époque. Les migrations ont lieu quand les gens ne trouvent pas de travail chez eux et cela peut évoluer rapidement. Fixer des contingents par pays risque d'être trop difficile à gérer pour l'économie. Je plaide pour un contingent global qui tienne compte des gens de l'asile, des frontaliers, des fonctionnaires internationaux et des travailleurs nécessaires à chaque secteur de l'économie.»
Qui décidera des contingents?
La question est loin d'être réglée et risque d'être un des principaux obstacles à la mise en œuvre. Cette perspective rappelle de mauvais souvenirs à Philippe Thuner, président de l'Association romande des hôteliers: «Nous craignons d'être soumis à l'arbitraire et à la lenteur des fonctionnaires ou de l'autorité. Dans l'hôtellerie, cela va vite, les clients sont volatils et le personnel est aussi volatil. Il faut pouvoir le remplacer rapidement. On risque fort d'entrer dans une zone grise.» Pour l'hôtelier, au niveau du personnel, cette situation va créer une surcharge de travail, des coûts, des complications et de la paperasserie. Cette politique va faire très mal à l'image de la Suisse, c'est ce que craint Michel Buro, vice-président de la Fédération de l'industrie européenne de la construction: «Aujourd'hui sur les chantiers à Genève, 90% des travailleurs sont étrangers. Comment va-t-on choisir les pays d'origine? Va-t-on dire qu'on ne veut que des manœuvres croates? Que des ferrailleurs polonais? Vis-à-vis des gens qui sont au chômage en Europe, qui ont des problèmes immenses, nous apparaissons déjà comme des nantis. Cela fait huit années que nous battons des records historiques de volumes de construction en Suisse. Et aujourd'hui nous disons aux gens qu'il n'y a plus de place pour eux ou que nous prenons que ce que nous voulons.»
Faut-il craindre des représailles?
L'Organisation des Suisses de l'étranger (OSE) a vivement regretté le résultat de la votation d'hier. 453 000 Suisses habitent actuellement dans l'Union européenne et ceux-ci ont largement profité de l'accord sur la libre circulation: «Ce vote pourrait remettre en question l'égalité de traitement entre les citoyens suisses et ceux de l'UE, qui est aujourd'hui la norme.»
La Commission européenne regrette que l'initiative pour l'introduction de quotas sur l'immigration soit passée via cette votation. Selon elle, cela va à l'encontre du principe de libre circulation des personnes entre l'UE et la Suisse.
L'Union examinera les implications de cette initiative sur l'ensemble des relations entre l'UE et la Suisse. Elle tiendra compte aussi de la «position du Conseil fédéral sur le résultat».