SuisseDes fusils suisses équipent des soldats saoudiens
Des soldats saoudiens arborent des fusils d'assaut suisses. Pour le président de la commission de sécurité des Etats, il faut un embargo sur les exportations d'armes en Arabie saoudite.
- par
- Christine Talos

Les exportations d'armes sont de plus en plus controversées en Suisse.
Le débat sur les exportations d'armes vers les pays en guerre civile en Suisse prend une tournure explosive. Le SonntagsBlick a révélé dimanche que, dans le conflit qui oppose l'Arabie saoudite aux rebelles Houthis dans la zone frontalière avec le Yémen, des soldats saoudiens tiraient sur leurs adversaires avec des armes helvétiques. Le journal a en effet publié une photo datant de fin 2017 sur laquelle des militaires saoudiens présumés posent après avoir mené l'assaut avec des fusils «made in Switzerland».
Les armes sont des fusils d'assaut de type 552 fabriqués par la société schaffhousoise Swiss Arms. Le fusil est une version spéciale du fusil d'assaut 90, qui équipe également les soldats suisses. Selon le SonntagsBlick, des fusils d'assaut suisses sont échangés sur le marché noir au Yémen.
Les armes semblent provenir d'une livraison approuvée par le gouvernement. En 2006, le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) avait donné le feu vert à la vente de 106 fusils d'assaut de type 552 à la marine saoudienne, a déclaré un porte-parole. La société Swiss Arms a déclaré avoir livré des fusils d'assaut à l'Arabie saoudite, dans le respect des lois. Le Secrétariat d'Etat à l'Economie a confirmé la livraison.
«Une erreur»
Pour le président de la commission de sécurité du Conseil des Etats, le PLR Josef Dittli, cette livraison était une «erreur», même si elle était conforme à la loi sur le matériel de guerre qui s'appliquait avant 2012. «Aujourd'hui, une telle demande ne serait certainement plus acceptée», estime l'Uranais, interrogé lundi par le Blick.
Du coup, une interdiction complète d'exporter des armes vers l'Arabie saoudite n'est plus un tabou à ses yeux. Il va même plus loin: la Suisse doit selon lui cesser toutes ses exportations avec Ryad. «C'est logique non seulement pour les armes, mais aussi pour tous les secteurs de l'économie», explique Josef Dittli. Si la Suisse agit en concertation avec des organisations internationales telles que l'ONU ou l'UE, le signal aura du poids, estime-t-il.
Le Conseil fédéral désavoué par le National
Pour rappel, le Conseil fédéral a annoncé en juin vouloir permettre d'exporter des armes vers des pays en conflit interne s'il n'y a aucune raison de penser que les armes suisses seront utilisées dans ce conflit. Le National a désavoué fin septembre le gouvernement sur la question. Il a accepté une motion du PBD Martin Landolt qui vise à transférer la compétence en matière d'autorisation d'exportations d'armes du Conseil fédéral au Parlement.
Le Conseil des Etats doit maintenant trancher. Sa commission de sécurité a mis l'objet à son ordre du jour lors de sa séance du 13 novembre prochain. Si les sénateurs suivent le National et approuvent en plénum la motion, la population pourrait alors lancer un référendum pour empêcher les exportations d'armes vers des pays en guerre civile.
Par ailleurs, une initiative dite de rectification est en cours. Une coalition a réuni 25'000 personnes en moins de deux jours pour recueillir les signatures nécessaires pour contrer le projet du Conseil fédéral.