ArgovieDes patients ont été cobayes dans une clinique jusqu’en 1990
Une clinique psychiatrique argovienne a testé des médicaments non autorisés sur des centaines de patients pendant 40 ans, révèle une enquête de l’Institut d’histoire de la médecine de l’Uni de Berne.

Le bâtiment principal de la clinique psychiatrique de Königsfelden à Windsich.
Comme ailleurs en Suisse, la clinique psychiatrique de Königsfelden, à Windisch (AG), a testé des médicaments encore non autorisés sur des centaines de patients entre 1950 et 1990. Les autorités ne s’en étaient pas émues, regrette le Conseil d’État argovien.
En Argovie, le scandale concerne principalement 31 préparations médicamenteuses non homologuées au moment des faits, révèle une enquête menée par l’Institut d’histoire de la médecine de l’Université de Berne sur mandat du gouvernement argovien. Les résultats de leurs recherches ont été présentés mercredi aux médias.
Effets secondaires
Les historiens ont examiné 830 dossiers de patients datés de 1950 à 1990 dont 50 issus d’une station d’observation d’enfants à Rüfenach (AG). Les personnes qui se sont fait administrer des médicaments dans le cadre des essais incriminés ont souvent présenté des effets secondaires.
«Lorsque ces derniers étaient importants, les traitements à l’essai étaient généralement interrompus. Aucun décès lié directement aux tests médicamenteux n’est connu», écrivent les historiens dans leur rapport.
Mal informés, pas d’accord écrit
Avant les années 1980, aucun document écrit ne prouve que les patients ont été largement informés au sujet des tests de médicaments pratiqués sur eux ni qu’on leur aurait laissé le choix de donner leur accord ou de refuser un tel traitement.
Comme ailleurs en Suisse, les essais effectués en Argovie se sont d’abord déroulés sans véritable base légale. Ils n’ont été régulés qu’à partir des années 1970. On ne peut toutefois pas en conclure qu’ils n’ont posé aucun problème, écrit l’auteur de l’étude Urs Germann.
Les instances de contrôle ont failli
Les essais de médicaments réalisés à la clinique de Königsfelden étaient connus des spécialistes, de l’administration et du monde politique. Le rapport d’enquête le démontre. Les instances cantonales n’ont toutefois joué leur rôle de contrôle que «de manière très légère et superficielle». Elles ont accordé la plus grande autonomie à la direction de la clinique et ont fait confiance à sa compétence.
Le gouvernement argovien «prend acte des résultats de l’étude et regrette que des personnes aient pu subir une injustice», écrit-il. À l’époque des faits, la clinique était placée sous la responsabilité du canton. Pourtant, la commission de surveillance n’a pas suffisamment pris ses responsabilités, a reconnu le ministre de la santé Jean-Pierre Gallati (UDC).
À partir de la fin des années 1940, plusieurs cliniques psychiatriques ont testé sur des patients des médicaments encore non autorisés. Des rapports d’enquête ont notamment été publiés dans les cantons de Bâle-Ville, Lucerne et Thurgovie. Dans d’autres cantons, des vérifications sont en cours.