Crise à Hong Kong: Deux pilotes de Cathay Pacific limogés

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Crise à Hong KongDeux pilotes de Cathay Pacific limogés

Deux pilotes de la compagnie Cathay Pacific ont été limogés pour une implication dans la contestation à Hong Kong.

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Donald Trump a annoncé vendredi qu'il souhaitait mettre fin aux exemptions accordées à Hong Kong dans le cadre de sa relation spéciale avec les États-Unis désormais remise en cause. (29 mai 2020)

Donald Trump a annoncé vendredi qu'il souhaitait mettre fin aux exemptions accordées à Hong Kong dans le cadre de sa relation spéciale avec les États-Unis désormais remise en cause. (29 mai 2020)

Keystone
«Mécontent» face à l'intention de Pékin de priver Hong Kong de son autonomie, le président américain a promis mardi une riposte imminente. (26 mai 2020)

«Mécontent» face à l'intention de Pékin de priver Hong Kong de son autonomie, le président américain a promis mardi une riposte imminente. (26 mai 2020)

Keystone
Les manifestants ont scandé des slogans de la mouvance pro-démocratie avant d'être dispersés par les tirs lacrymogènes de la police anti-émeute. (Dimanche 24 mai 2020)

Les manifestants ont scandé des slogans de la mouvance pro-démocratie avant d'être dispersés par les tirs lacrymogènes de la police anti-émeute. (Dimanche 24 mai 2020)

AFP

Un climat de peur s'est instillé au sein de la compagnie aérienne de Hong Kong Cathay Pacific, entraînée la semaine dernière dans la crise politique sans précédent qui secoue le territoire semi-autonome chinois, alors que Pékin serre la vis à toute entreprise soupçonnée de sympathie pour le mouvement pro-démocratie.

Cathay Pacific a annoncé mercredi avoir limogé deux de ses pilotes, alors que la compagnie de Hong Kong est sous forte pression de la part de Pékin pour que soient sanctionnés ses employés soutenant les manifestants pro-démocratie.

Dans un communiqué, la compagnie précise que les deux pilotes ont été limogés «conformément aux termes et conditions de leur contrat de travail».

La semaine dernière, Cathay Pacific a provoqué l'ire des nationalistes chinois après que certains de ses 27'000 employés ont pris part aux manifestations pro-démocratie ou exprimé leur soutien au mouvement.

Les dirigeants de Cathay se sont empressés de rassurer Pékin en prenant leurs distances par rapport à la mobilisation pro-démocratie, promettant de licencier tout employé soutenant ou participant aux «manifestations illégales».

Depuis, la compagnie a en effet licencié deux employés et suspendu un pilote lié aux manifestations.

Désormais, certains personnels dénoncent au sein du groupe un climat de peur et de suspicion alors que beaucoup craignent d'être espionnés par des collègues cherchant à connaître leurs opinions politiques.

Les collègues s'espionnent

«J'ai l'impression qu'on est réduit au silence. On ne peut même pas afficher son soutien (au mouvement pro-démocratie) sur les réseaux sociaux », s'est plaint une hôtesse de l'air disant se prénommer Cat auprès de l'AFP.

«De nombreux collègues disent que des personnes pourraient envoyer des listes de sympathisants des manifestations illégales à (la direction de) l'entreprise», ajoute-t-elle, «cela fait vraiment peur à tout le monde».

A cela, ce sont ajoutées les manifestations de masse à l'aéroport international de Hong Kong, l'un des plus actifs du monde, qui ont provoqué des centaines d'annulations de vols ces deux derniers jours.

Cathay n'avait pas besoin de ça, alors que la compagnie commence tout juste à redresser ses comptes après deux années passées dans le rouge.

Le groupe a annoncé mercredi dernier un bénéfice net de 1,63 milliard de dollars hongkongais (202 millions de francs) au premier semestre de l'année, contre une perte de 263 millions de HKD au premier semestre 2018.

Vulnérable au boycott

La compagnie aérienne de Hong Kong a même été prise pour cible par les médias d'Etat chinois.

«Les quatre péchés de Cathay Pacific Airlines», a titré pour sa part le Quotidien du peuple, l'organe de presse du Parti communiste au pouvoir, en énumérant des actions des personnels du groupe considérées comme favorables au mouvement de contestation.

La direction générale de l'aviation civile chinoise a exigé vendredi de Cathay les noms des personnels à bord de ses vols à destination de la Chine, ou qui traversent son espace aérien.

Cathay a fait savoir qu'elle se plierait à ces nouvelles règles, appliquées à compter de dimanche.

Lundi à la Bourse de Hong Kong, le titre de la compagnie aérienne a plongé de 4,37% après cette annonce et encore reculé de 2,6% mardi.

Les analystes estiment que Cathay est très vulnérable à tout boycott de Pékin. «Ils sont extrêmement dépendants du marché continental chinois», a relevé Brendan Sobie, analyste du secteur du Centre for Aviation, soulignant qu'un cinquième des vols de la compagnie sont à destination ou en provenance du continent tandis que les passagers chinois représentent environ 80% des passagers sur les vols vers d'autres marchés.

Des appels à boycotter la compagnie se sont répandus sur les réseaux sociaux et le hashtag #BoycottCathayPacific apparu la semaine dernière sur le site de Weibo a généré jusqu'à mercredi plus de 45 millions de vues.

«Cathay Pathetic»

Face à la colère de Pékin, Cathay tente de limiter les dégâts. Swire Pacific -- conglomérat basé à Hong Kong et principal actionnaire de Cathay -- a publié un communiqué y affirmant «soutenir fermement» le gouvernement de Hong Kong et «partager» la vision du gouvernement central chinois.

«Nous soutenons résolument le gouvernement de la région semi-autonome Hong Kong, la cheffe de l'exécutif et la police dans leurs efforts en vue de rétablir l'ordre public», a annoncé la société, précisant qu'elle se conformerait à toutes les réglementations que lui imposerait Pékin.

Cathay a publié une déclaration similaire mardi : «Nous devons agir maintenant pour mettre fin à la violence et préserver la stabilité, la paix et la prospérité de Hong Kong». Les experts soulignent que le transporteur n'a eu d'autre choix que de se distancier sans équivoque.

«Quels que soient les sentiments personnels, il s'agit d'une société cotée en bourse, ils doivent rendre des comptes à leurs actionnaires. Et les affaires chinoises sont cruciales pour eux », a déclaré un analyste du secteur qui a souhaité conservé l'anonymat.

L'artiste dissident chinois Badiucao, basé en Australie, lui, s'en moque dans une caricature rapidement devenue virale, résumant le sentiment du mouvement pro-démocratie et rebaptisant la compagnie aérienne «Cathay Pathetic» - le C transformé en marteau et faucille, emblêmes communistes.

(ats)

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