H2ODevrait-on se méfier de l'eau en bouteille plastique?
Les qualités nutritionnelles de l'eau en bouteille et de celle du robinet sont équivalentes, mais le PET utilisé pour la première fait débat.
- par
- Elisabeth Gordon

Les Suisses consomment 965 millions de litres d'eau minérale par an.
Le corps humain est constitué d'environ 60% d'eau. C'est dire si elle est indispensable. D'après les nutritionnistes, nous devons en boire entre 1,5 et 2 litres par jour. Mais est-il préférable de tirer l'eau au robinet ou de l'acheter en bouteille? Depuis des années, le débat fait rage. D'un côté, les industriels vantent les bienfaits des boissons qu'ils commercialisent. De l'autre, des voix s'élèvent pour accuser les bouteilles en plastique de tous les maux. En réalité, d'un point de vue purement sanitaire, il n'y a pas vraiment lieu d'opposer les deux types de boisson.
En Suisse, l'eau du réseau et l'eau en bouteille sont régies par la législation sur les denrées alimentaires et elles sont bien évidemment tenues d'être potables, c'est- à-dire salubres sur les plans microbiologique, physique et chimique. La loi ne les place toutefois pas dans le même panier et leur impose des contraintes différentes. L'eau minérale doit être issue d'une source pure et «ne doit donc subir aucun traitement», explique Patrick Edder, chimiste cantonal du canton de Genève.
Micropolluants
En revanche, avant d'arriver dans les tuyauteries des habitations, l'eau du réseau fait, la plupart du temps, l'objet de différents traitements. Tirée des lacs, des puits, des rivières ou des nappes phréatiques, elle est d'abord filtrée sur des matières poreuses, telles que le sable, qui séparent les particules en suspension, puis désinfectée à l'aide de chlore, d'ozone ou de rayons UV. Enfin, selon son origine, elle est à nouveau filtrée sur du charbon actif (qui élimine les pesticides, les molécules odorantes, etc.) ou par nanofiltration. «En Suisse, nous bénéficions d'une bonne protection de l'environnement, notamment les eaux de surface et souterraines», constate Patrick Edder. Une fois traitée, l'eau du réseau est donc «d'excellente qualité».
Pour autant, est-elle exempte de micropolluants, tels que des pesticides ou des résidus de substances chimiques et de médicaments que l'on retrouve dans les rivières? «Les traitements permettent de les éliminer en grande partie», répond Patrick Edder. Mais il est impossible de les détruire complètement. A ce titre, l'eau minérale devrait gagner une manche puisque «a priori, les sources étant très protégées, elle devrait en contenir de plus faibles quantités». Le chimiste cantonal se souvient toutefois de sa surprise quand après avoir analysé cette eau, il y a une dizaine d'années, ses services y avaient trouvé «plus de pesticides que dans l'eau du robinet». Mais il s'agit d'un cas isolé, précise-t-il.
Car en fait, ce n'est pas l'eau minérale elle-même qui est généralement pointée du doigt, mais le plastique (du PET) qui sert à la contenir – le verre, lui, est inaltérable. Celui-ci est accusé de libérer dans l'eau divers produits, notamment des perturbateurs endocriniens, ces substances qui déstabilisent les fonctions hormonales (lire encadré). Si cela n'a pour l'heure pas été prouvé, «des recherches restent à faire» dans ce domaine, admet le spécialiste genevois. Par ailleurs, le plastique peut se dégrader s'il est conservé à plus de 30 degrés et «l'eau n'étant pas un liquide stérile», elle peut être contaminée par des germes, dont certains peuvent être pathogènes. Surtout si les bouteilles sont ouvertes.
Trop salée
En revanche, les eaux en bouteille prétendent souvent avoir un grand atout: elles renfermeraient des sels minéraux – calcium, magnésium, potassium, sodium – indispensables au bon fonctionnement de l'organisme. En fait, dans la palette des eaux commercialisées, on trouve de tout. «Certaines, précisent Patrick Edder, ne contiennent pas de sels minéraux et d'autres en ont beaucoup», notamment du chlorure de sodium. Or ce sel de cuisine est néfaste pour les personnes qui ont des problèmes cardiaques et les jeunes enfants et il n'est pas recommandé pour le reste de la population qui a plutôt tendance à manger trop salé. Quant à l'eau du réseau, elle contient, elle aussi, des sels minéraux, «en plus ou moins grandes quantités selon l'endroit où elle est prélevée». Quoi qu'il en soit, une alimentation équilibrée suffit aux apports en sels minéraux et un individu en bonne santé n'a pas besoin de boire de l'eau pour en avoir son content.
«Sur le plan sanitaire, il n'y a en fait pas de grandes différences entre l'eau en bouteille et l'eau du robinet», conclut Patrick Edder. En revanche, pour ce qui est du coût et des impacts sur l'environnement, la seconde gagne très largement la bataille de la qualité.