BrésilDilma Rousseff écartée du pouvoir
La présidente a été suspendue de ses fonctions par le Sénat qui va la soumettre à un procès en destitution pour maquillages des comptes publics.
Dilma Rousseff a été suspendue de ses fonctions jeudi après le feu vert donné par les sénateurs à l'ouverture d'un procès en destitution visant la présidente brésilienne. Cette dernière est accusée d'avoir maquillé les comptes publics pour faciliter sa réélection en 2014.
La cheffe de l'Etat sera remplacée par son vice-président Michel Temer le temps que durera le procès, d'une durée maximale de 180 jours. L'organisation de ce procès a été approuvée par 55 sénateurs sur 81, à l'issue d'une séance historique entamée mercredi matin et qui a duré une vingtaine d'heures. Une majorité simple de 41 sénateurs suffisait.
La Chambre des députés avait déjà avalisé la procédure de destitution le 17 avril par une écrasante majorité.
Au terme du procès en destitution de Mme Rousseff, une majorité des deux tiers, soit 54 voix sur 81, sera nécessaire pour acter sa mise à l'écart définitive. Dans cette hypothèse, Michel Temer assurerait la présidence jusqu'à la fin de son mandat, le 31 décembre 2018.
Il devrait annoncer dès jeudi la composition de son gouvernement. Henrique Meirelles, ancien président de la banque centrale, devrait être nommé aux Finances, selon la presse.
Economie ruinée
L'opposition reproche à Dilma Rousseff d'avoir ruiné une économie qui fut un temps l'une des plus performantes des pays en développement en mettant en oeuvre des mesures qualifiées de populistes. Celles-ci sont selon elle responsables de l'envolée de l'inflation, l'entrée en récession du pays et une explosion du chômage.
«Aujourd'hui, nous essayons de surmonter cette situation en révoquant ce gouvernement irresponsable. Nous n'avons pas d'alternative», a déclaré le sénateur Blairo Maggi, l'un des plus gros producteurs brésiliens de soja, qui devrait entrer au gouvernement de Michel Temer pour prendre le portefeuille de l'agriculture.
A l'extérieur du Sénat, protégé par une clôture métallique érigée pour séparer les manifestants, près de 6000 partisans de la destitution se sont réunis pour exprimer leur joie tandis que la police utilisait des gaz lacrymogènes pour disperser les soutiens de la présidente.
Dilma Rousseff a fait connaître son intention de dissoudre le gouvernement dès sa destitution approuvée. Elle a donné des instructions pour ne pas faciliter la transition, car elle considère sa suspension comme illégale. Son gouvernement s'est tourné vers la Cour suprême pour contester la procédure, mais son recours a été rejeté mercredi.
Combative jusqu'au bout
Première femme élue à la tête de la première puissance économique d'Amérique latine, en 2010, Dilma Rousseff, 68 ans, qui a dénoncé à de multiples reprises un «coup d'Etat», s'est montrée combative jusqu'au dernier moment. Mais la situation économique déplorable du pays, conjuguée à la multiplication des scandales politico-financiers, ont précipité sa chute.
«Je ne démissionnerai pas, cela ne m'a jamais traversé l'esprit», a-t-elle déclaré jeudi.
Les sondages d'opinion montrent qu'une écrasante majorité de Brésiliens souhaitaient que Dilma Rousseff soit destituée, mais Michel Temer ne jouit pas non plus d'une immense popularité.
«Coup d'Etat» institutionnel
Mme Rousseff l'a plusieurs fois accusé d'avoir ourdi un «coup d'Etat» institutionnel. Ex-allié, il est devenu un adversaire résolu de la présidente fin mars lorsque son parti, la puissante formation centriste du PMDB, avait quitté la coalition gouvernementale dominée par le Parti des travailleurs (PT, gauche), au pouvoir sous les présidences de Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010) puis de Mme Rousseff.
«J'ai voté pour Dilma, je crois qu'elle est une grande dirigeante, mais je pense également qu'elle a tellement mal travaillé que l'heure de son départ est venue», a expliqué Leticia Britto, une étudiante de Sao Paulo. «La meilleure façon d'avancer serait de convoquer des élections.»
Le chef de l'opposition visé par une enquête
La Cour suprême du Brésil a autorisé l'ouverture d'une enquête pour corruption à l'encontre du sénateur de centre-droit Aecio Neves, a-t-elle annoncé dans la nuit de mercredi à jeudi. Neves était le candidat malheureux du 2e tour de la présidentielle en 2014.
La haute juridiction a «accepté» la demande du procureur général Rodrigo Janot formulée début mai d'ouvrir une enquête à l'encontre du sénateur Aecio Neves (PSDB, centre-droit), portant sur des soupçons de pots-de-vin et un compte bancaire secret familial au Liechtenstein. M. Neves fut l'un des instigateurs de l'actuelle procédure de destitution contre la président Dilma Rousseff.