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ONUDiscrimination raciale: la Suisse répond aux critiques

La Suisse a répondu lundi aux critiques du comité de l'ONU sur la discrimination raciale, sans convaincre les experts sur tous les points.

La cheffe de la police genevoise Monica Bonfanti s'est exprimée devant le comité de l'ONU sur la lutte contre les dérives dans la police et les critères retenus pour le profilage racial.

La cheffe de la police genevoise Monica Bonfanti s'est exprimée devant le comité de l'ONU sur la lutte contre les dérives dans la police et les critères retenus pour le profilage racial.

ARCHIVES, Keystone

La Suisse a mis en avant ses programmes d'intégration ainsi que les mesures prises pour éviter les abus policiers.

«Il y a 20-25 ans, un groupe pessimiste avait affirmé que la mondialisation économique et culturelle provoquerait des réactions de rejet et une augmentation des discriminations raciales», a affirmé le président du comité José Francisco Cali Tzay. «Il faut constater malheureusement aujourd'hui que ce groupe avait raison», a-t-il dit au terme de l'examen du rapport de la Suisse, vendredi après-midi et lundi matin.

Vendredi, plusieurs des 18 experts du comité s'étaient inquiétés des conséquences de l'acceptation de l'initiative sur l'immigration de masse. Lundi, la délégation suisse a exposé les efforts en cours dans l'intégration des étrangers en Suisse et les mesures prises concrètement pour lutter contre le racisme, en particulier au niveau de la police.

«C'est un effort continu et de longue haleine», a déclaré le chef de la délégation suisse l'ambassadeur Jürg Lindenmann, en concluant les débats. Les membres de la délégation ont notamment mis en avant le lancement le 1er janvier des programmes cantonaux d'intégration, dont un point porte explicitement sur la protection contre les discriminations.

Dérives policières

La cheffe de la police genevoise Monica Bonfanti s'est exprimée devant le comité sur la lutte contre les dérives dans la police et les critères retenus pour le profilage racial. Les plaintes pénales contre des policiers sont en baisse, a-t-elle précisé: de 83 en 2012 à 73 en 2013 sur un total annuel de 86'000 interventions et 6500 arrestations par la police cantonale genevoise.

«Le problème des dérives policières n'est pas un tabou. C'est un risque majeur pour l'institution», a assuré Mme Bonfanti. Elle a mis l'accent sur les efforts de formation, les enquêtes diligentées et l'engagement à éviter toute dérive de nature raciste.

Sur les délits de faciès et de profilage racial, la cheffe de la police genevoise a affirmé qu'ils sont clairement prohibés par la déontologie. Toutefois, a-t-elle expliqué, une recherche ciblée est possible si elle respecte cinq critères: finalité légitime, faits bien définis à l'exclusion de tout préjugé, comme des comportements illicites, effets positifs supérieurs aux effets négatifs, contrôles destinés à établir l'innocence plutôt que la culpabilité.

Monica Bonfanti a ajouté que ce profilage ne doit pas céder aux pressions des autorités politiques, judiciaires ou des médias et qu'il faut veiller à la formation en matière de recherche ciblée de personnes. Un expert, Ion Diaconu (Roumanie), a cependant exprimé ses doutes. Il faudrait interdire dans la loi toute recherche ciblée arbitraire et ne pas se contenter de règles déontologiques, a-t-il dit.

Nombreuses questions

La délégation suisse a répondu sur plusieurs des questions soulevées, comme les mariages forcés, les violences domestiques, les conditions de la naturalisation, les sans-papiers, le traitement des gens du voyage et des Roms, la compatibilité du droit international avec les initiatives populaires.

La question de la répression contre la mendicité a aussi été débattue. La majorité des personnes qui s'y adonnent sont des Roms. Mais, selon la délégation suisse, les interventions de la police ne sont pas discriminatoires, car liées à des comportements illégaux. Il en va de même pour les trafiquants d'héroïne à Genève majoritairement albanais: l'action à leur encontre s'inscrit dans la lutte contre les stupéfiants.

Pas de législation au niveau fédéral

Au terme de l'examen du rapport, la rapporteuse pour la Suisse Anastasia Crickley (Irlande) a regretté que certaines questions n'aient pas été suffisamment évoquées, comme les stéréotypes répandus par des partis politiques et la sensibilisation par les autorités à l'apport positif de l'immigration.

Le comité de l'ONU a déploré que la Suisse ne se soit pas encore dotée d'une législation au niveau fédéral contre les discriminations et n'ait pas encore créé une institution nationale des droits de l'homme. Le précédent rapport de la Suisse avait été présenté en 2008. Tous les Etats ayant ratifié la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, entrée en vigueur en 1969, doivent faire régulièrement rapport sur l'application de la Convention.

(ats)

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