RécitElle revit grâce à la fonte
Victime d'abus sexuels répétés, Sonia a surmonté son trauma grâce au sport des forces spéciales russes.
- par
- Raphaël Pomey

Sonia Gervilla a fondé la Fédération suisse de kettlebell lifting.
Il martyrise la peau des mains, mène ses pratiquants aux portes de l'enfer et peut provoquer un sentiment de fatigue générale de plusieurs jours après une compétition. Avec des caractéristiques si peu engageantes, difficile d'imaginer que le girevoy, mélange entre sport d'endurance et haltérophilie (voir encadré), puisse constituer une planche de salut pour quiconque.
C'est pourtant le cas de Sonia Gervilla, 38 ans. En novembre 2011, cette Thurgovienne a subi plusieurs abus sexuels d'une personne qu'elle n'aurait jamais pensé capable de tels actes. «Honte, détresse et doute dominaient ma vie, à cette période», se souvient-elle. Déterminée à s'en sortir, elle consulte un centre d'aide aux femmes, porte plainte contre son bourreau et s'envole pour la Floride. Tout en sachant que la distance seule n'allait pas l'aider à digérer son trauma. Elle engage un coach sportif qui la pousse à bout. «L'énorme fatigue me permettait enfin de mettre de côté mes souvenirs», relève-t-elle. Au fitness, elle découvre aussi d'étranges boules de fonte, les «kettlebells», «gyria» en russe.
Championnats du monde en vue
Une passion va peu à peu naître pour ces poids, qui l'amènera à s'entraîner sous la férule d'Oleh Ilika, ancien sergent des forces spéciales soviétiques, né en Ukraine. Avec un entraînement «à la dure», Sonia achève une perte de poids spectaculaire: 20 kilos en six mois. Elle participera ce week-end aux championnats du monde de girevoy, en Italie. Son objectif: «arracher» 55 fois un poids de 16 kilos, à une main, en dix minutes. Mais surtout «montrer au monde que les femmes sont fortes. Nous, les femmes, avons le choix d'être fortes! Et moi, j'ai décidé d'être forte.»
«Sonia débute encore, mais elle défend une cause et elle a la rage. C'est une guerrière», loue Stéphane Dauvergne, de l'Association française de girevoy. «Le trauma a révélé chez cette dame un besoin profond, comblé par son activité, analyse pour sa part Mattia Piffaretti, psychologue du sport. Mais cela aurait pu être le cas d'autres disciplines, moins dures, chez d'autres personnes. C'est le sens que l'on donne à l'activité qui est important pour construire la résilience, moins l'activité en elle-même.»
Sonia Gervilla organise un événement de charité le 25 novembre à Zurich. Initiation possible pour les curieux. Les bénéfices seront reversés à un centre d'aide aux femmes.
Infos sur www.kb-l.ch