AbsurdeEn prison pour un sac poubelle
Il laisse sa poubelle dans la rue un dimanche soir, avant de partir en camp de ski avec des aveugles. Son amende impayée le conduit en taule.
- par
- Vincent Donzé

Chef de projet de Sky-Zone-Attitude, Deny Eggimann a déposé son sac-poubelle au pied de cet arbre, au centre de Bienne.
L'objet du délit, c'est un sac de 17 litres à 60 centimes. Un dimanche, Deny Eggimann l'a déposé au pied d'un arbre, au centre de Bienne, sachant que le lendemain il partirait à l'aube, les bras chargés des bagages et de… quatre paires de skis. Mal lui en a pris: le ramassage suivant était planifié le mardi. Deux ans plus tard, ce dépôt qui constitue une infraction lui a valu 2 jours de prison. «Comme je m'absentais deux semaines, je voulais éviter de laisser le contenu de la poubelle moisir dans mon appartement», raconte Deny Eggimann, 44 ans, qui ne disposait pas d'un container devant son immeuble. C'est à Saas Fee qu'il se rendait le lundi matin, pour un camp d'entraînement de Swiss Paralympic, en tant que guide pour les aveugles pratiquant le ski.
Comme dans la plupart des communes qui ont introduit la taxe au sac, l'Inspectorat biennois de la voirie dispose d'une brigade d'identification: le nom et l'adresse de Deny Eggimann ont été découverts sans peine dans ses ordures. La facture adressée au contrevenant était plutôt salée: 150 francs. «Il était hors de question de payer ne serait-ce qu'un franc», a répondu le skieur. L'opposition, formulée hors délai, et l'échange de courriers qui a suivi se sont révélés stériles. «Vous n'aviez qu'à vous arranger avec un voisin», lui ont répondu en substance les autorités, sachant que les sacs réglementaires doivent être déposés dans la rue après 6 heures, les jours de ramassage.
«Un avertissement précède généralement la première amende, surtout pour les aînés et les mineurs», précise l'inspecteur biennois de la voirie Silvan Kocher, qui dispose de deux hommes dans son service d'identification. Des amendes pour des ordures, il en a été distribué 240 en 2012, 100 en 2013, essentiellement pour des sacs déposés avant l'heure. Une baisse qui ne s'explique pas seulement par l'obéissance, vingt ans après l'introduction de la taxe au sac: «Certains contrevenants extraient de leurs déchets tout ce qui permet leur identification», constate Silvan Kocher.
Petit-déjeuner peu ragoûtant
Devant le refus obstiné de Deny Eggimann, l'amende a été convertie en jours de prison, soit deux fois 24 heures pour 150 francs. Un policier s'est présenté à son domicile pour l'en aviser. Sa peine, Deny l'a effectuée la semaine dernière, de mardi à jeudi, à la Prison régionale de Bienne. «Dans une cellule prévue pour les lourdes peines, faute de place, avec du pain et de l'eau sale en guise de petit-déjeuner», précise Deny Eggimann, à qui des détenus ont proposé de la cocaïne et de l'héroïne.
Depuis sa condamnation, Deny Eggimann s'organise pour évacuer ses déchets sans devoir déposer de sac officiel dans la rue. Le plus cocasse, c'est qu'il dirige à Bienne Sky-Zone-Attitude, une société qui, notamment, va développer… des poubelles! Son credo: la récupération. Son public cible: les organisateurs de manifestations en tout genre, ainsi que… les communes.