JusticeEn Valais, le procès pour «délit de solidarité» d'Anni Lanz
Acquittée ou pas ? La cour cantonale devra juger mercredi la figure de Solidarité sans frontières, Anni Lanz, dénoncée pour avoir rapatrié un réfugié en souffrance en Italie.
- par
- Eric Felley

Condamnée par ordonnance pénale, puis par le Tribunal de Brigue, Anni Lanz, 74 ans, a porté sa cause devant le Tribunal Cantonal. Y trouvera-t-elle l'acquittement pour son geste humanitaire envers un homme en perdition?
Mercredi matin, les projecteurs seront sur le Tribunal cantonal valaisan. Les magistrats devront confirmer ou non la condamnation de la militante alémanique pour les droits de l'homme, Anni Lanz, 74 ans, pour infraction à la loi sur les étrangers. Elle est accusée d'avoir fait revenir illégalement un réfugié en Suisse par le col du Simplon. Pour ses partisans, c'est un cas d'école de «délit de solidarité».
Renvoyé en Italie
L'histoire d'Anni Lanz ne manque pas de ressorts dramatiques. En 2017, un Afghan se réfugie auprès de sa sœur en Suisse. C'est un ancien militaire de l'armée afghane poursuivi par les Talibans, qui ont tué son père. Il traverse de nombreux pays pour la retrouver, le dernier étant l'Italie. Mais il dépose une demande d'asile en Suisse puisque sa sœur et son mari y vivent. C'est contraire aux accords de Dublin et les autorités suisses estiment qu'il doit suivre la procédure d'asile en Italie, où il doit être renvoyé.
Renvoyé et jeté dehors
Anni Lanz visite régulièrement des prisonniers au centre de renvoi bâlois du Bässlergut. Au cours du mois de février 2018, elle fait la connaissance de cet afghan, qui souffre de graves problèmes psychiques, notamment depuis qu'il a appris que sa femme et son enfant ont été tués au pays. Mais quelques jours après, il est reconduit à Milan, dans un centre d'asile, d'où il est aussitôt mis dehors. Il se retrouve à la rue, sans bagages, sans habits chauds, sans documents et sans médicaments. Il réussit finalement à gagner Domodossola, d'où il peut contacter ses proches en Suisse.
Contrôlé sur le retour
Ni une, ni deux, Anni Lanz est allée le chercher pour le ramener en Suisse, où sa procédure d'asile n'était pas close, et considérant aussi que d'un point de vue médical son séjour auprès de sa sœur était la meilleure solution. Mais les gardes-frontières leur tombent dessus le 24 février 2018 à Gondo. La militante et le beau-frère qui l'accompagne sont dénoncés, tandis que le réfugié est renvoyé en Italie avec une interdiction de séjour en Suisse.
Un «intérêt purement humanitaire»
Peu après, par ordonnance pénale, Anni Lanz a été condamnée à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 50 francs, avec un sursis de deux ans, et à une amende de 300 francs. Elle a fait recours devant le Tribunal de Brigue, qui a supprimé la peine pécuniaire, mais maintenu et augmenté l'amende à 800 francs avec 1400 francs de frais. La cour a reconnu toutefois qu'elle avait agi «dans un intérêt purement humanitaire»
Plus de délit de solidarité
Le Tribunal cantonal valaisan sera-t-il sensible à cet argument ? L'actuelle secrétaire politique de Solidarité sans frontières, Amanda Ioset, sera présente ce mercredi: «C'est un procès public et nous serons là pour la soutenir. Nous sommes là aussi pour exiger que la loi supprime ce délit de solidarité.» Pour l'instant, il est difficile de déterminer combien de personnes ont été condamnées pour ce type de délit en Suisse: «Nous en connaissons, mais nous n'avons pas de statistiques plus précises. Ce type d'infraction est puni par l'article 116, qui peut servir dans d'autres cas de figure qui ne relève pas forcément de la solidarité.»
Les juges valaisans savent que leur marge de manœuvre est limitée pour un cas qui pourrait faire jurisprudence. Une nouvelle condamnation avec la «reconnaissance» de la cour ouvrirait à l'accusée le chemin du Tribunal fédéral. Un acquittement serait une réelle surprise.