Procès: Fabrice A. a toujours menti

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ProcèsFabrice A. a toujours menti

Un ancien détenu qui a connu l'assassin d'Adeline, à Champ-Dollon et à Bochuz, témoigne. L'interrogatoire de Fabrice A. a lieu dès aujourd'hui devant le Tribunal criminel de Genève.

par
Valérie Duby
En prison, Fabrice A. se faisait passer pour un trafiquant d'armes, raconte un détenu qui l'a côtoyé.

En prison, Fabrice A. se faisait passer pour un trafiquant d'armes, raconte un détenu qui l'a côtoyé.

Martial Treszzini / Médaillon: Police cantonale genevoise., Keystone

D'Adeline, toute la Suisse connaît son doux prénom. Son beau sourire. Et sa fin, tragique, un matin de septembre 2013 dans un bois de Bellevue (GE). De son assassin, Fabrice A., on en sait ce que la presse a écrit sur lui, notamment via les experts qui l'ont interrogé en prison et dont les rapports ont été dévoilés. Fabrice A. est un psychopathe. Il est extrêmement dangereux et, chez lui, le risque de récidive est très élevé. Il a trompé tout son monde, il n'aurait jamais dû pouvoir effectuer une sortie accompagnée. Mais ce n'est pas le procès d'un système, ou d'une institution comme La Pâquerette, qui se tient depuis ce matin et jusqu'au 14 octobre devant le Tribunal criminel de Genève. C'est le procès d'un homme de 42 ans, né à Paris, Franco-Suisse, célibataire et sans profession. Un individu déjà deux fois condamné pour viols en 2001 et 2003 à vingt ans de prison.

C'est cet homme solitaire que Jacques (prénom fictif) a bien connu en détention, à Champ-Dollon puis aux Etablissements de la plaine de l'Orbe (EPO). A Bochuz, on le surnommait «Le Justicier de minuit» en référence à un personnage d'un film avec Charles Bronson. Ou encore «Le Parisien», à cause de son accent. «Il portait toujours une casquette et des lunettes et se promenait comme ça dans la prison. Il n'y avait pas besoin d'être psychiatre pour se rendre compte qu'il était dérangé!» assure Jacques.

Lorsque Fabrice A., d'abord incarcéré en France, demande à pouvoir effectuer sa peine en Suisse, il se retrouve, en 2008, à la prison de Champ-Dollon à Genève. «Il avait un projet pour l'avenir: vendre de la viande séchée halal», explique notre interlocuteur. En attendant, il se rend au culte du pasteur avec, sous le bras, la Bible et le Coran. «Il ne voulait pas la télévision dans sa cellule à cause des images impures, se souvient le prisonnier. Fabrice A. s'était converti à l'islam en détention en France. Je crois que c'était surtout pour ne pas se faire massacrer. En tout cas, il a vite repris goût à la télévision. A Bochuz, il était le premier à courir dans l'établissement pour acheter des films pornos, ce qui est autorisé au pénitencier», poursuit Jacques.

Pseudo-trafiquant d'armes

En prison, l'assassin d'Adeline est plutôt isolé. L'un des seuls détenus avec lesquels il discute s'appelle Michel P. alias le sadique de Romont… Fabrice A. reçoit peu de visites: de temps en temps sa mère, d'origine néerlandaise qui s'est convertie à l'islam après avoir fait un tour dans la Franc-Maçonnerie et les Rosicruciens. Fabrice A. travaille dans l'atelier de cartonnage. Il entreprend un apprentissage de boulangerie. Incapable de continuer, comme tous les petits boulots qu'il a débutés dans sa vie d'homme libre. Il termine à la buanderie. Entre deux lessives, il écoute en boucle Lady Gaga, mange beaucoup de chocolat, prend des cours d'informatique et lit les petites annonces. Il fait venir une prostituée au parloir pour 300 francs. «Elle n'est venue qu'une seule fois une heure, raconte l'ancien détenu. Mais, par la suite, il parlait d'elle comme de sa femme. Il disait toujours qu'elle allait bientôt venir mais qu'elle était tombée en panne avec la BMW. De toute manière, personne n'y croyait!» Comme personne, parmi les prisonniers, ne croit non plus au rôle qu'il s'est inventé. «Il racontait que sa tête avait été mise à prix parce qu'il avait vendu des armes à l'IRA. En réalité, tout le monde savait qu'il était en taule pour des affaires de viols!» Des mensonges. Toujours des mensonges. Fabrice A. expliquait aussi avoir passé sa jeunesse et fait toutes ses classes en Valais. Encore faux. «Avant qu'il ne soit incarcéré, Fabrice A. mentait et manipulait son entourage de la même manière, pour lui soutirer de l'argent ou obtenir des faveurs sexuelles. Il a utilisé cette aptitude pour amadouer ses victimes», indiquent des experts suisses cités par «Le Matin Dimanche».

A la barre

Dès lundi, devant le Tribunal criminel de Genève, Fabrice A. devra répondre aux questions de la présidente Anne-Isabelle Jeandin-Potenza et du procureur général de Genève, Olivier Jornot. Le premier jour sera consacré à l'interrogatoire de l'accusé, défendu par Me Yann Arnold, qui ne s'est jusqu'ici jamais exprimé depuis le début de cette triste affaire, il y a trois ans. Mardi et mercredi, place aux experts suisses et français ayant examiné Fabrice A. Jeudi, le tribunal entendra la famille d'Adeline, partie plaignante. «Il ne faut pas s'attendre à ce que l'assassin devienne soudainement sincère ni qu'il nous livre la vérité, confie Me Simon Ntah, l'avocat de la famille d'Adeline. Nous avons néanmoins entière confiance en la justice qui se devra de juger les faits en prenant en compte sa faute indiciblement lourde.» Le vendredi, ce sera au tour de la directrice de La Pâquerette, qui employait Adeline, d'être auditionnée. Rappelons que celle-ci n'a écopé que d'un blâme dans cette triste affaire.

Le réquisitoire du procureur général Jornot et les plaidoiries sont attendues pour le début de la semaine prochaine. Verdict le 14 octobre à 17 h.

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