DébatFaut-il soutenir le metal «satanique»?
L'UDC demande des comptes au Conseil d'Etat vaudois après la tenue d'une série de concerts dans une salle de spectacle lausannoise subventionnée par les pouvoirs publics.
- par
- Benjamin Pillard

«Pour Lucifer, mon sang» et «Loyauté éternelle à notre seigneur Satan», a hurlé le duo américano-colombien «Inquisition» aux Docks de Lausanne.
Sur fond noir, un visage peint mi-cadavérique, mi-tête de mort, surmonté de l'inscription «Bloodshed Rituals» (rituels avec effusion de sang), et des noms de quatre groupes de black metal dont deux répondant au doux nom d'Inquisition ou Rotting Christ (Christ en décomposition). Au bas de cette affiche placardée dans les rues lausannoises, la liste des sponsors soutenant cette série de concerts qui ont eu lieu le 30 octobre dernier dans la salle de spectacle des Docks. Au rang desquels, la Ville de Lausanne et le canton de Vaud.
Conseil d'Etat Interpellé
«Le Conseil d'Etat a-t-il pris conscience qu'il s'agissait d'un concert ouvertement sataniste?» interroge le député Philippe Jobin, chef du groupe UDC au Grand Conseil, dans une interpellation déposée hier après-midi en ouverture de séance du Parlement vaudois. «Si oui, comment justifie-t-il son soutien? Si non, est-ce que le Conseil d'Etat pense prendre des mesures à l'avenir?»
Actifs depuis l'émergence du mouvement black metal au milieu des années 1980, les quatre groupes en question assument pleinement leur appartenance aux mouvances occultes et ésotériques, tendance malsaine et blasphématoire. «Pour Lucifer, mon sang» et «Loyauté éternelle à notre seigneur Satan», hurle le duo américano-colombien d'Inquisition. «La plus belle déclaration musicale que l'on puisse faire à Satan», vantaient les Docks sur leur site Internet au sujet de la formation gothico-grecque Rotting Christ en citant un chroniqueur de la publication genevoise Daily Rock. Plus gênant, les «centres d'intérêt» affichés par le groupe brésilien Mystifier sur sa page Facebook: «Vénération diabolique, profanation, co- lère, bruit, haine, radicalisme, etc.»
«Je ne m'érige pas en censeur; je n'ai aucun problème avec la liberté de réunion, mais les messages de ces formations n'incitent pas à servir la collectivité ni à aimer son prochain comme soi-même», nous confie Philippe Jobin, nostalgique du mythique club lausannois de la Dolce Vita (1985-1999) à la programmation parfois alternative. «Les groupes punk qui s'y produisaient étaient moins directs dans leurs contestations; là, c'est beaucoup plus explicite», estime-t-il. «Nous vivons quand même dans une région majoritairement judéo-chrétienne. Il y a des valeurs à défendre pour notre jeunesse qui dirigera notre pays à l'avenir.»
La programmatrice et directrice des Docks, Laurence Vinclair, explique que les subventions publiques comme privées «ne sont pas liées à un concert en particulier»: «Ils cautionnent plutôt la programmation des clubs et font confiance à ceux qui la composent.»
«Pas de propos racistes»
Si la Lausannoise concède que le black metal «est une culture à part entière», elle affirme que son public est «hypertranquille»: «Ce sont des gens qui viennent pour la musique, pas pour semer le trouble.» Et d'estimer que les formations satanistes «n'appellent pas à la haine ni ne tiennent des propos racistes».
«Il est impossible de savoir combien de spectateurs psychologiquement fragiles passent à l'acte du suicide après avoir écouté ce genre de groupes», rétorque Philippe Jobin. Qui dit attendre que le Conseil d'Etat vaudois se détermine «très clairement sur le financement de ces concerts et la morale de ce financement».