Formule 1Ferrari «beaucoup trop sous pression»
James Allison, l’ancien directeur technique de la Scuderia, pense que l’équipe italienne manque de vision à long terme. Une question de culture.

- par
- Renaud Tschoumy

LM
Huit ans chez Ferrari
Le directeur technique de l’équipe Mercedes, James Allison, connait bien Ferrari pour y avoir travaillé de 2000 à 2005 - l’époque des succès répétés de Michael Schumacher -, avant d’y revenir de 2013 à 2016 en tant que directeur technique - jusqu’à ce que le décès de son épouse le pousse à rentrer s’occuper de ses enfants en Angleterre.
Le Britannique connaît donc parfaitement les rouages de la Scuderia. «J’ai beaucoup aimé travaillé pour Ferrari, explique-t-il. Sinon, je n’y serais pas retourné une seconde fois. J’aime beaucoup cette équipe et j’y compte encore de nombreux amis. Mais le pays tout entier est tellement derrière Ferrari, la marque y est si forte, l’histoire si chargée, que vous sentez, quand vous travaillez pour Ferrari, que vous faites partie de quelque chose de très important. C’est une force, mais c’est aussi une faiblesse, parce que lorsque les choses tournent mal, la pression est énorme.»
Le week-end dernier, au Grand Prix de Styrie, la Scuderia a vécu l’un des pires Grands Prix de son histoire récente: non seulement les voitures n’étaient pas compétitives, mais les deux monoplaces sont entrées en collision au troisième virage. A l’arrivée, aucun moteur Ferrari n’est entré dans les points, ce qui n ‘était plus arrivé depuis… 86 Grands Prix.
«Cette pression se ressent chez tous les employés, poursuit James Allison. C’est tellement excessif que ça pousse les gens à prendre des décisions de court terme, pour résoudre les problèmes tout de suite. Et ça les écarte du bon chemin, à la place de bâtir ce qu’il faut pour obtenir de la solidité sur le long terme, sur plusieurs saisons.»
En Italie, les rumeurs parlent déjà du remplacement de Mattia Binotto, le patron actuel, par Antonella Coletta, le responsable de l’activité «Grand tourisme». Diriger Ferrari est toujours revenu à s’asseoir sur un siège éjectable quand les résultats ne suivent pas. Mais changer le patron, comme toujours, ne fait pas avancer les monoplaces plus vite.
Red Bull «déçu»
Alors que les essais privés de Barcelone, en février, avaient montré que la nouvelle Red Bull RB16 affichait des performances quasi égales à la Mercedes W11, les deux premiers Grands Prix 2020 ne l’ont de loin pas confirmé. Sur le circuit de Spielberg, les deux Red Bull étaient relativement distancées, et il semble même que les Racing Point, les fameuses «Mercedes roses» étaient plus rapides que les RB16.
Pour toute l’écurie de Max Verstappen, c’est la consternation, même s’il faudra attendre de passer ce week-end hongrois - disputé sur un circuit lent, très différent de celui de Spielberg - pour se rendre compte de la vraie hiérarchie cette saison. «Nous n’avons pas été surpris de l’écart entre la Mercedes et nous, non. Nous avons été carrément déçus!», confirme Paul Monaghan, l’ingénieur en chef de l’écurie anglaise. «Cet hiver, on a fait un super boulot, avec des gens extrêmement compétents, pour concevoir une monoplace au top, poursuit-il. Sur la piste, on juge ensuite ce qu’on a fait face à nos adversaires… et c’est la douche froide! Bon, on était sur le podium de la deuxième course, en Autriche, mais nous étions loin en performance. A nous maintenant de travailler à fond pour combler l’écart.»
La Mercedes W11 semble en effet la machine parfaite: déjà plus rapides sur le circuit autrichien de Spielberg - pourtant peu favorable aux Mercedes les années précédentes -, les deux machines de Lewis Hamilton et Valtteri Bottas se sont révélées encore plus redoutables lors des premiers essais à Budapest. «Nous avons une écurie qui a des moyens financiers importants, l’équipe est stable, sans changement de personnel, nous avons beaucoup d’aide du groupe Daimler et notre culture est excellente - nous ne nous reposons jamais. Voilà la recette», a répondu James Allison, le patron de la technique chez Mercedes.
Réclamations attendues
Au soir du dernier Grand Prix de Styrie, Renault a déposé plainte contre les conduites de freins de la Racing Point - soupçonnées être des copies de celles de la Mercedes. Pour l’instant, la Fédération internationale de l’automobile (la FIA) attend un rapport détaillé de l’écurie incriminée, et a demandé à Mercedes de fournir les plans des conduites de freins de sa W10 de l’an dernier.
S’il s’avère que la Racing Point RP20 est une copie délibérée de la Mercedes, «les deux écuries s’exposent à de sérieux problèmes» a révélé Nikolas Tombazis, le responsable des contrôles techniques de la FIA.
L’affaire devrait être jugée à la réception du rapport de l’écurie rose, soit avant le prochain Grand Prix d’Angleterre. Mais quel que soit le jugement, il est probable que l’équipe perdante dépose un recours - ce qui fera alors traîner l’affaire jusqu’en septembre.
En attendant ce jugement, Racing Point se présente ce week-end à Budapest avec les mêmes freins qu’en Autriche. Il est donc probable que Renault dépose à nouveau réclamation après la course, tout comme dimanche dernier. «Je m’attends désormais à des réclamations après chaque Grand Prix», poursuit Nikolas Tombazis. Ex-Ferrari, l’ingénieur grec explique aussi qu’après l’affaire du moteur Ferrari, l’hiver dernier, de nombreuses écuries en dénoncent d’autres au niveau du moteur. «Nous recevons des suggestions de vérifications quasi chaque semaine. Alors on se penche sur les fraudes qui nous paraissent les plus probables.»
Pour l’instant, sans avoir trouvé de tricherie manifeste.