Attentat de NiceFin des témoignages des proches devant la Cour spéciale
Les proches des victimes de l’attentat de Nice ont raconté ce qu’ils ont vécu. Avec deux points de crispation: le dispositif de sécurité et les prélèvements d’organes effectués sans en informer les familles.

Plus de 260 personnes se sont succédé à la barre depuis le 20 septembre, pour dire à la Cour leur vie «fracassée» depuis l’attentat de Nice, le 14 juillet 2016.
Les témoignages, éprouvants et poignants, des endeuillés, rescapés ou proches des victimes de l’attentat de Nice se sont achevés ce vendredi, devant la Cour d’assises spéciale de Paris, qui ouvrira, mardi, un nouveau chapitre du procès en se penchant sur les faits survenus le 14 juillet 2016, avec un terrible bilan: 86 morts et plus de 450 blessés. Plus de 260 personnes, parfois venues d’Australie ou de Russie, se sont succédé à la barre depuis le 20 septembre, pour dire à la Cour l’«atrocité» de ce qu’elles ont vécu, leur vie «fracassée» depuis l’attentat ou encore dire le sentiment de «culpabilité» du survivant.
Deux points de crispation ont émergé des dépositions: les prélèvements d’organes effectués sur des victimes sans en informer les familles et le dispositif de sécurité sur la promenade des Anglais, le soir de l’attentat qui a fait 86 morts.
«Il était beau, mon fils, il est mort avec le sourire»
Parmi les moments forts, on retiendra le témoignage bouleversant d’Anne Gourvès, une institutrice dont la fille de 12 ans, Amie, est morte peu après son arrivée à l’hôpital, ou celui de Samira, qui a perdu Yanis, son fils de 4 ans et demi. Toutes les victimes décédées à l’hôpital ont été autopsiées, et leurs organes prélevés. «Ils ont massacré mon enfant. Ma fille a été assassinée deux fois. Par un fou, puis par une autopsie», a dit la première à la barre.
«Ma fille a été assassinée deux fois. Par un fou, puis par une autopsie.»
«Il était beau, mon fils, il est mort avec le sourire. On a porté son corps ensanglanté jusqu’au poste de secours. Les pompiers ont tenté en vain de le ranimer», avait raconté la seconde, sans savoir que ce geste médical faisait partie des critères retenus par le parquet pour ordonner une autopsie. «Ils l’ont ouvert de la tête aux pieds. Nous n’avions pas été informés qu’il y avait eu une autopsie sur notre enfant.»
Cité à la barre, François Molins, l’un des plus hauts magistrats français, à l’époque procureur de la République de Paris chargé des affaires de terrorisme, a évoqué «une forme d’excès de zèle» de l’institut médico-légal de Nice dans sa manière de pratiquer les prélèvements d’organes. Quatorze victimes ont subi ces prélèvements massifs d’organes. Des familles ne l’ont appris qu’à l’audience.
Une dizaine de repérages
Y a-t-il eu des failles dans la sécurisation de la promenade des Anglais, le soir du 14 juillet 2016? Beaucoup de parties civiles l’ont affirmé à la barre. «Qu’est-ce que ta mort aura changé? Des plots en béton sur la promenade des Anglais. C’est bien d’y avoir pensé, maintenant que tu es partie», a dit avec amertume Margaux Dariste. Sa fille Léana, la plus jeune victime de l’attentat, avait 2 ans et demi.
La question est lancinante. Comment le terroriste a-t-il pu effectuer une dizaine de repérages sur la promenade avec son camion de 19 tonnes sans être inquiété? Comment a-t-il pu y rouler librement un jour férié pour mettre en œuvre son projet criminel, s’est interrogé en substance Philippe Murris, dont la fille Camille est morte dans l’attentat.
«Il n’y a eu aucun relâchement» dans la sécurité, ont assuré à la barre l’ancien président François Hollande et Bernard Cazeneuve, ex-ministre de l’Intérieur. Dans une déposition fleuve, le maire de Nice Christian Estrosi a catégoriquement nié toute défaillance dans la mise en place du dispositif de sécurité. «Aujourd’hui comme hier, rien n’empêcherait un camion aux mains d’un terroriste déterminé d’attaquer la foule», a-t-il affirmé, provoquant des soupirs sur les bancs des parties civiles.