VaudGaëlle, morte dans le lac à Vevey: deux de ses abuseurs rejugés
La Cour d'appel pénale se penche cet après-midi sur le sort de deux des quatre agresseurs de la Valaisanne. Les recourants contestent l'incapacité de discernement et de consentement de la victime.
- par
- Evelyne Emeri
Le 10 mars 2018, vers 7h20, une promeneuse aperçoit près de la berge du Quai Ernest-Ansermet un corps sans vie qui flotte dans les eaux glacées du Léman. C'est celui de Gaëlle, une Valaisanne de 27 ans, qui habitait Vevey. La veille au soir, elle avait croisé le chemin de quatre requérants d'asile de l'EVAM (Établissement vaudois d'accueil des migrants), d'abord deux en ville, puis quatre à proximité de la Buvette des bains publics et du Club d'aviron. Là où tout s'est joué.
Abuseurs et meneur
Âgés de 26 à 32 ans, deux Algériens, un Marocain et un Tunisien en abusent au bord du lac. Trois des quatre ont eu des relations sexuelles complètes avec la jeune femme. Leurs profils ADN et leurs liquides séminaux ont parlé. Le quatrième, l'Algérien de 30 ans, a toujours affirmé l'avoir tout juste effleurée et embrassée, lui avoir caressé la poitrine et l'avoir même «repoussée». Aucune trace de son sperme n'a effectivement été identifiée sur le cadavre de la malheureuse. Cet homme est considéré comme le meneur, le chef de groupe pour avoir incité, en ce funeste vendredi 9 mars 2018, ses acolytes à passer à l'acte en échange de drogue gratuite (cocaïne et marijuana).
3 à 4 ans et demi ferme
Le 27 mars, le Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois, après deux jours de procès dans la salle d'audience de l'Ordre judiciaire vaudois à Renens, a tranché et condamné les quatre Maghrébins de l'EVAM à des peines de prison ferme allant de 3 à 4 ans et demi. Principalement pour actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance et, en aggravation, pour atteinte à l'intégrité sexuelle commise en commun (ndlr: tournante).
«Consentante, demandeuse, allumeuse»
L'instigation à actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance a en revanche été retenue exclusivement à l'encontre du leader de la bande, qui n'a pas couché avec Gaëlle, ainsi que l'a admis la Cour de première instance faute de preuves tangibles. C'est lui qui sera présent cet après-midi devant la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal (TC) vaudois. Condamné à 4 ans, l'Algérien de 30 ans estime que la jeune femme était «consentante, demandeuse, insistante et allumeuse». Et que, partant, elle avait tout ou partie de son discernement, bien que particulièrement alcoolisée.
Suralcoolisée, surmédicamentée, surdroguée
Alcoolisée, précisément. Un moindre mot pour détailler l'état de Gaëlle au moment des faits. Gaëlle est en détresse absolue quand elle rencontre les deux premiers requérants – les deux recourants – en ville de Vevey avant de se retrouver au bord du lac. Elle vient de se disputer avec son ancien copain qui l'éconduit. Elle est encore fragilisée par son changement de sexe, psychologiquement et physiquement, même si ses proches la trouvent précisément de mieux en mieux. Enfin «resplendissante», cinq après son opération. Elle perd pied pourtant, boit beaucoup trop (ndlr. 2 pour mille dans le sang et l'urine), avale des anxiolytiques, des antidépresseurs en surdose, fume du cannabis.
«J'ai jeté un coup d'œil vers le lac»
Au côté du «cerveau» de cette nuit fatale pour la Valaisanne, se tiendra un second prévenu au TC: le Tunisien de 31 ans qui a écopé de 4 ans et demi. Peut-être le dernier à avoir vu la victime en vie et l'avoir abandonnée, désorientée, sans ressources, à quelques mètres de l'eau. Lors du procès de mars, il avait affirmé «qu'elle voulait avoir une relation avec tout le monde. Elle était en chaleur et très bourrée. À la fin, j'étais seul avec la fille. Je l'ai laissée pour aller chercher de la marijuana. Quand je suis revenu, il n'y avait plus que ses sacs. Je suis allé voir dans les deux toilettes (ndlr: près de la Buvette des bains publics), elle n'y était pas. J'ai jeté un coup d'œil vers le lac. Il faisait trop noir.»
«Ils préfèrent taire la vérité»
Comment Gaëlle a-t-elle basculé dans l'eau? Personne ne le saura jamais. Le procureur Stephan Johner s'est forgé une intime conviction et s'était montré intraitable lors de son réquisitoire en première instance: «Les accusés savent très bien ce qu'il s'est passé et quels ont été ses derniers instants. Elle n'est jamais restée seule. Mais ils ont peur et préfèrent taire la vérité.» Durant les débats de mars, le président de céans, Franz Moos, et le représentant du Parquet avaient tout tenté, jusqu'au dernier moment, pour les faire parler et offrir un peu d'apaisement à la famille de la jeune femme. En vain.
evelyne.emeri@lematin.ch