RussieGorbatchev, l’homme qui a anéanti l’URSS malgré lui
En Russie, l’ancien président Mikhaïl Gorbatchev est considéré comme le fossoyeur de l’URSS. En Occident, on appréciait cet homme avec qui on pouvait discuter.
Pur produit du système communiste, Mikhaïl Gorbatchev n’imaginait sans doute pas qu’il changerait la face du monde en devenant le fossoyeur involontaire de l’URSS, source d’un immense respect en Occident mais d’une amertume certaine en Russie. Mardi, il est décédé d’une «grave et longue maladie», à l’âge de 91 ans en Russie, a indiqué l’Hôpital clinique central où il était soigné.
Simple fils de paysan, Mikhaïl Gorbatchev a effectué un parcours classique d’apparatchik pour devenir à 54 ans, le 11 mars 1985, le numéro un d’un empire soviétique alors exsangue sur le plan économique et qui était empêtré dans une guerre sans fin en Afghanistan.
Sa jeunesse le distingue. En moins de trois ans, depuis le décès de Léonid Brejnev en 1982, le PC soviétique a connu deux secrétaires généraux vieillissants qui sont morts à ce poste, Iouri Andropov et Konstantin Tchernenko.

Mikhaïl Gorbatchev est décédé à l’âge de 91 ans.
Libéralisation baptisée la «perestroïka»
Conscient que la crise guette, Mikhaïl Gorbatchev lance une libéralisation baptisée la «perestroïka» (restructuration) et la «glasnost» (transparence) pour réformer le système soviétique et réduire l’influence des vieux caciques du parti.
Des millions de Soviétiques découvrent alors des libertés inédites, mais aussi les pénuries, le chaos économique et les révoltes nationalistes qui sonneront le glas de l’URSS, ce que nombre de ses compatriotes ne pardonneront jamais à cet homme au front marqué d’une tache de vin. «Bien sûr, j’ai des regrets, de grosses erreurs ont été commises», avait-il déclaré à l’AFP, en janvier 2011.
Car sous son mandat, les dérives n’ont pas manqué: l’entrée des chars soviétiques en Lituanie, la répression de manifestants pacifiques en Géorgie, ou la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, en 1986, passée sous silence pendant des jours, contribuant à la contamination de centaines de milliers de personnes.
Un héritage controversé
A l’Ouest, que ce soit le chancelier allemand Helmut Kohl ou le président américain Ronald Reagan, les grands du monde capitaliste sont fascinés par ce nouvel interlocuteur ouvert à la négociation. «J’aime bien Gorbatchev, c’est un homme avec qui l’on peut traiter», a ainsi dit de lui la Première ministre britannique, Margaret Thatcher.
Ce respect ne disparaîtra jamais en Occident en raison de sa retenue lorsque le mur de Berlin et les régimes communistes de Tchécoslovaquie, de Hongrie et de Pologne s’écroulent. Il sera récompensé d’un prix Nobel de la paix en 1990.
Peu aimé en Russie
Mais pour les Russes, Mikhaïl Gorbatchev a détruit le statut de grande puissance de leur patrie, et ils n’ont que dédain pour ce piètre orateur à l’accent traînant de sa région natale de Stavropol (sud). Sa chute, d’ailleurs, a des airs d’humiliation.
En juin 1991, lorsque Boris Eltsine est élu au suffrage universel président de la Russie soviétique, Mikhaïl Gorbatchev tente de sauver l’URSS en proposant une autonomie interne élargie. Le projet capote le 19 août 1991, lorsque la ligne dure du Parti communiste tente un putsch contre lui, mais c’est l’ennemi juré de Mikhaïl Gorbatchev, Boris Eltsine, qui sera le héros de la résistance à ce coup d’État manqué.
Déjà mourante, l’URSS disparaît en décembre, lorsque la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine proclament que l’Union soviétique «n’existe plus». Mikhaïl Gorbatchev démissionne le 25 décembre.
Il a averti d’une nouvelle guerre froide
Depuis qu’il a quitté le pouvoir, Mikhaïl Gorbatchev s’était reconverti en héraut de la cause environnementale et avait créé la Fondation Gorbatchev, dédiée aux études socioéconomiques. En 1996, il s’était présenté à la présidentielle contre Boris Eltsine, mais n’avait obtenu que 0,5% des voix.
De plus en plus discret ces dernières années alors que sa santé déclinait, il a reconnu certains torts. Un temps virulent contre Vladimir Poutine, disant en 2011 sa «honte» de l’avoir soutenu au tournant des années 2000, il dirige de plus en plus ses critiques contre les Occidentaux, à partir de l’annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée en 2014 par la Russie et multiplie les avertissements face à l’avènement d’une nouvelle guerre froide.